Bien que l’avenir de la Grèce demeure une question ouverte, leur analyse, tirée de l’édition du 6 juillet du bulletin Géopolitique en bref, est à l’effet que la gestion de cette crise à « affaibli la capacité de l’Union européenne à obtenir le soutien politique des Européens pour d’autres programmes d’aide qui pourraient s’avérer nécessaires et prouvé l’incapacité de l’Union européenne à gérer efficacement les grands problèmes géopolitiques. »

Un vote conséquent

À la suite du vote massif du peuple grec, dimanche, à l’encontre des mesures d’austérités réclamées par l’Union européenne (UE), les banques demeureront fermées et les mesures de contrôle des capitaux seront maintenues en Grèce, au moins jusqu’à mercredi.

Entretemps, une réunion des ministres des Finances de la zone euro est prévue mardi, à Bruxelles. Le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, a pour sa part déclaré mardi matin qu’une sortie de la Grèce de la zone euro n’était « pas exclue » si Athènes ne présentait pas « un paquet de réformes crédibles ».

De nombreux dirigeants européens avaient averti les Grecs qu’un non au référendum entraînerait un désastre économique pour leur pays et le pousserait hors de la zone euro, rappellent Angelo Katsoras et Pierre Fournier.

« La Grèce demande une nouvelle réduction de sa dette, ce qui est très impopulaire auprès des populations des pays plus riches de la zone euro, comme l’Allemagne et l’Autriche, écrivent-ils. Les pays moins nantis, comme l’Espagne et le Portugal, posent aussi un problème parce que leurs gouvernements (contrairement à leur population) sont partisans de la ligne dure envers la Grèce. Les dirigeants de ces pays plus pauvres craignent en effet que leurs citoyens leur reprochent de ne pas avoir exigé une restructuration de leur propre dette si la Grèce obtient gain de cause. »

Angelo Katsoras et Pierre Fournier croient que les négociations pour éviter une sortie de la Grèce de la zone euro seront compliquées par le manque de temps disponible pour trouver une solution « avant que son économie soit étranglée par le manque de liquidités et que le pays soit forcé de retourner à son ancienne monnaie. »

C’est pourquoi ils estiment qu’à court terme, la Banque centrale européenne cherchera à mitiger les retombées du vote grec et la sortie du pays de la zone euro en « accroissant considérablement les achats d’obligations d’État et d’autres titres de créances des autres pays de la zone euro pour éviter une hausse dramatique des taux. »

Affaiblissement géopolitique et économique

Selon Angelo Katsoras et Pierre Fournier, le « non » grec créé beaucoup d’incertitude autour de la zone euro, à la fois sur le plan géopolitique et économique.

Dorénavant, dès qu’un pays connaîtra des problèmes économiques graves, « tout le monde se mettra automatiquement à spéculer sur son statut dans la zone euro », avancent-ils.

Ils estiment que cette crise aura pour conséquence d’élargir le fossé entre les élites de l’UE et les populations. « Les efforts des élites pour utiliser cette crise comme prétexte pour renforcer l’intégration économique (euro-obligations et union bancaire) seront bloqués par une part grandissante de la population qui estime qu’on est déjà allé trop loin dans cette voie. »

Ils croient aussi que les dissensions croissantes entre la France et l’Allemagne sur le traitement à accorder à la Grèce après le non, feront qu’il sera beaucoup plus difficile pour l’UE de s’exprimer d’une seule voix.

Angelo Katsoras et Pierre Fournier rapportent que certains analystes estiment qu’en forçant la Grèce à sortir de la zone euro, l’UE enverrait un avertissement à ses autres membres en difficulté, ce qui aurait théoriquement pour conséquence d’amener les populations des autres pays en difficulté à accepter plus facilement les mesures d’austérité imposées par l’UE pour éviter le même sort. Ils croient toutefois qu’à long terme, une telle position accentuerait assurément le ressentiment de ces populations. « La zone euro ne peut assurer sa longévité par une constante menace d’expulsion », écrivent-ils.

Ils croient d’ailleurs que « la sortie de la Grèce de la zone euro et la réintroduction d’une drachme fortement dévaluée rendront le pays incapable de rembourser la majorité de sa dette souveraine », ce qui obligera les pays européens à honorer les garanties données sur les prêts à la Grèce par le biais de leurs institutions publiques.

Une telle situation entraînerait un ressentiment de la population européenne contre l’UE « et il lui serait beaucoup plus difficile par la suite d’obtenir le soutien politique des populations pour de nouveaux programmes d’aide financière », selon eux.

Si elles tardent à combiner réduction de la dette et réformes économiques, « l’Union européenne et la zone euro risquent de perdre la course contre la montre pour atteindre une croissance plus solide et créer des emplois avant que les réactions hostiles contre les partis traditionnels et l’UE ne s’aggravent », concluent Angelo Katsoras et Pierre Fournier.