«Même si un degré moindre de détente monétaire sera probablement nécessaire avec le temps, le Conseil fera preuve de circonspection au moment de procéder à de futurs ajustements du taux directeur», peut-on lire dans le communiqué de la banque centrale, publié mercredi matin.

Cette phrase résume bien l’état d’esprit qui prévaut au sein de l’équipe de Stephen Poloz, gouverneur de la BdC, juge Derek Holt, de Banque Scotia. «Ces mots choisis délibérément démontrent une réticence à resserrer davantage la politique monétaire à court terme », ajoute-t-il. Les chances d’une prochaine hausse en décembre ont reculé à une chance sur trois, estime l’économiste.

La BdC a annoncé qu’elle maintient son taux directeur à 1%. Il s’agit d’une pause après deux hausses de 0,25 point de base, une en juillet et l’autre en septembre. Même si la croissance économique demeure supérieure au potentiel réel de l’économie, le marché du travail, pour sa part, n’aurait pas encore atteint son plein potentiel, ce qui tempère les risques d’une poussée inflationniste, explique l’institution fédérale.

Les marchés ont pris note du ton plus prudent. Le huard a perdu 1% de sa valeur par rapport au dollar américain. Il vaut maintenant 78,05 cents américains. Le rendement des obligations canadiennes 10 ans recule de 2,5 points de base pour s’établir à 2,04%.

La prudence de l’équipe de M. Poloz reflète les incertitudes entourant la négociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), commente Nick Exarhos, de la Banque CIBC. Il souligne aussi que la BdC mentionne que l’appréciation du huard a déjà nui aux exportations. L’endettement des ménages a aussi été identifié comme une source d’inquiétudes. M. Exarhos estime que la prochaine hausse ne surviendra pas avant le printemps 2018.

Tout n’est pas sombre, pour autant. La BdC prévoit que la croissance économique passera de 3,1% en 2017 à 2,1% en 2018. «Tout indique que nous passerons d’un rythme de croissance insoutenable à moyen terme à une progression plus saine pour les prochains trimestres, soit aux alentours de 2%», nuance François Dupuis, économiste en chef du Mouvement économique Desjardins.

Même si le rythme se modère, il est supérieur au plein potentiel de l’économie, ajoute M. Dupuis. Le potentiel de croissance se situerait à 1,4% en 2018. «Les capacités de production devraient donc être de plus en plus sollicitées, ce qui pourrait éventuellement se traduire par des pressions haussières plus importantes sur les prix, quoiqu’il subsiste une grande incertitude à cet égard», croit l’économiste.

Dans le camp de ceux qui voient les taux monter plus rapidement, Josh Nye, de la Banque RBC croit toujours que le taux directeur passera de 1% à 2% d’ici à la fin de l’année 2018. Cette prévision impliquait un resserrement en décembre, mais ce scénario «apparaît légèrement moins probable en raison du ton prudent». L’économiste pense qu’il serait possible que la banque centrale reste sur les lignes de côté d’ici le début de l’année 2018.

Dans le camp des pessimistes, David Madani, de Capital Economics, croit que Stephen Poloz devra revenir à la détente monétaire au cours de l’année prochaine. «Nous croyons toujours que la croissance économique perdra de son élan en raison d’une accélération de la baisse du marché immobilier. »