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« Je pense qu’avec ces changements, nous venons de rendre service à une grande partie de la population qui n’est pas nécessairement conscient d’être aux prises avec une problématique d’endettement », dit Hugo Neveu, conseiller en sécurité financière, représentant de courtier en épargne collective chez SF3 et courtier hypothécaire agréé auprès de Planiprêt.

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Depuis le 17 octobre, tous les acheteurs d’une maison assurés dont le prêt hypothécaire est à ratio élevé, soit moins de 20 % de mise de fonds, devront être admissibles à l’assurance hypothécaire au plus élevé des taux entre celui des prêts hypothécaires affichés par la Banque du Canada (BdC) ou celui de leur contrat hypothécaire.

« L’objectif du gouvernement est clair, en haussant les critères de qualification, ils veulent diminuer les risques et faire en sorte qu’il y ait moins de demandes pour les hypothèques », indique Peter Tsakiris, président et chef de la direction des Services financiers Whitemont et courtier hypothécaire agréé chez Planiprêt.

Le taux actuel affiché par la BdC s’établit à 4,64 % (au 30 novembre 2016). Suivant les nouvelles règles, si le taux augmente, les prêteurs devront qualifier les clients à partir du nouveau taux.

Peter Tsakiris croit que ce changement s’explique par la propension de certains acheteurs à contracter un prêt hypothécaire au maximum de leur capacité en considérant que la faiblesse actuelle des taux d’intérêt va persister dans les prochaines années.

La réalité concernant la capacité d’emprunt des ménages canadiens, montre que dans le cas d’une augmentation de 200 $ par mois de leurs paiements, 56 % des Canadiens seraient incapables d’assumer cette hausse, d’après un sondage de MNP. Il s’agit d’une augmentation correspond à 1 % sur un prêt hypothécaire de 200 000 $.

« Beaucoup de gens achètent à des prix très élevés, en prenant des prêts hypothécaires très importants comparativement à il y a 15 ans, explique Peter Tsakiris. Comme les taux d’intérêt sont bas, ça fonctionne, mais si les taux montent, disons de 1 %, ce qui serait encore très bon marché, nous aurions un problème. C’est ce que le gouvernement essaye d’éviter ».

L’admissibilité à l’assurance hypothécaire tient compte des ratios de coefficient d’amortissement brut de la dette (ABD) et celui du coefficient d’amortissement total de la dette (ATD). Pour qu’un acheteur soit admissible à l’assurance hypothécaire, son coefficient d’ABD ne doit pas dépasser 39 %, tandis que son coefficient d’ATD ne doit pas dépasser 44 %.

Anticiper les hausses

Avec les changements prévus, les assureurs doivent dorénavant appliquer une simulation de crise des taux d’intérêt avant l’émission de toute hypothèque assurée. Cette simulation de crise se fait à partir de l’analyse des coefficients en appliquant le taux le plus élevé.

« [Cette simulation de crise] procure aux nouveaux acheteurs une marge de manœuvre leur permettant de rembourser leur dette même dans un contexte de taux d’intérêt plus élevés ou de baisse du revenu du ménage », peut-on lire dans le document d’information technique du ministère des Finances du Canada.

Munitions supplémentaires

Le vœu du gouvernement canadien de limiter le niveau d’endettement des citoyens donne des munitions aux conseillers.

« Nous ne pouvons plus qualifier le client à un taux ridiculement bas et nous dire que ça passera », souligne Hugo Neveu.

À terme, les conseillers devront ajuster leur approche en matière de gestion de la dette et de prêt hypothécaire avec leurs clients.

« Ça prend maintenant une planification beaucoup plus approfondie, les clients devront passer plus de temps avec leurs conseillers, faire un budget et s’assurer qu’il y ait une mise de fonds appropriée », dit Peter Tsakiris.

Hugo Neveu, est d’avis que les nouvelles règles ne changeront pas le quotidien des conseillers qui faisaient déjà bien leur travail.

« Les changements ont l’air pires qu’ils ne le sont en réalité. Pour un client qui rencontre un conseiller qui fait bien son travail, il n’y a aucune différence entre cette année et l’année dernière ».

Il se questionne toutefois sur la possibilité que les changements modifieront l’offre de produit pour favoriser les taux variables.

Stabiliser le marché

Le gouvernement canadien souhaite assurer un meilleur contrôle sur les flambées de prix dans les marchés immobiliers, en resserrant les règles d’accession à la propriété. Pour le seul marché de Toronto, le prix moyen des maisons à la vente a augmenté de 21,1 % en un an.

« En ayant moins de demandes de prêts hypothécaires, les prix de l’immobilier vont éventuellement se stabiliser et arrêter d’augmenter comme nous le voyons depuis quelques années », croit Peter Tsakiris.

Une analyse effectuée à la mi-novembre par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) montre qu’une augmentation rapide des taux d’intérêt pourrait entraîner une attrition de 25 à 30 % du prix des maisons.