Le Vérificateur Général l’a déjà relevé : les prévisions économiques sur lesquelles se base le ministère des Finances pour gérer le budget de l’État sont généralement plus optimistes que la performance réelle de l’économie québécoise. Pour 2015, le gouvernement prévoit une croissance plus forte que la moyenne des analystes du secteur privé. L’équilibre budgétaire souhaité sera-t-il atteint?

«Nous nous basons sur un cadre financier très prudent», a répété le ministre des Finances Carlos Leitao pour convaincre qu’il atteindrait le déficit zéro cette année, après six années consécutives de déficits qui ont alourdi la dette de 16 G$.

Le ministère des Finances évalue à 3,8% la hausse du PIB nominal (croissance économique qui tient compte de l’inflation). Ce qui est plus optimiste que la moyenne de 3,5% anticipée par le secteur privé. Chez Desjardins, les analystes ciblent plutôt 3,2%.

«On est d’accord avec le gouvernement pour dire que les exportations vont compter pour beaucoup dans la croissance en 2015-2016, mais nous sommes moins optimistes sur la consommation», explique François Dupuis, vice-président et économiste en chef chez Desjardins.

Le gouvernement anticipe en effet une progression robuste de la consommation des ménages à 2,4% cette année (2,1% en 2014), pariant sur le fait que la baisse des prix de l’énergie favorisera l’achat d’autres biens et services. Aussi, il mise sur l’accroissement du revenu disponible des ménages, favorisé par le redressement de l’emploi et le milliard supplémentaire que les Québécois récolteront du dernier budget fédéral.

«L’an passé, ça a été difficile pour la création d’emploi, mais 30 000 postes se sont crées au cours des deux derniers mois et ça peut aider pour la consommation», espère Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale.

«L’emploi rebondit, mais il y a beaucoup de temps partiel, tempère M. Dupuis. L’équilibre budgétaire n’est pas pour autant fragile dans ce budget car les écarts prévisionnels ne sont pas si grands et il y a une provision pour éventualité.»

Les écarts dans les prévisions sont en bonne partie liés à l’inflation, laquelle est difficile à prévoir, notamment à cause des variations marquées du prix du pétrole.

Pour 2016 et 2017, le gouvernement table aussi sur des hausses de 3,4% du PIB nominal et si Stéfane Marion donne la chance au coureur, il met des conditions à l’optimisme gouvernemental.

«Sans réforme structurelle, il n’y aura pas plus de 3% de croissance du PIB nominal, je pense. Il faut d’autres changements structurels que ceux déjà annoncés pour aspirer faire mieux. Mais on s’attend à d’autres changements.»

Pour cette année, si on dépasse le 3%, ce sera en large partie à cause de la reprise économique aux États-Unis. En intégrant les recommandations de la commission Godbout sur la fiscalité, à plus long terme, on pourra, croit M. Marion, aspirer à des croissances supérieures.

«Je suis content au moins qu’on touche la fiscalité des PME dans le budget pour ramener le taux d’imposition à celui de l’Ontario. C’est une bonne mesure qui rendra plus compétitif et qui devrait favoriser la création d’emploi.»

Les changements à la fiscalité destinés à stimuler la croissance économique devraient aussi réduire la dépendance du Québec aux transferts fédéraux, qui sont appelés à diminuer dans les prochaines années en raison du ralentissement du secteur pétrolier dans l’Ouest canadien.

Ces changements seront graduels et pour la plupart commenceront en 2017, jusqu’en 2020.