Les actifs tangibles, ou les mises sur les infrastructures telles que les sociétés qui possèdent et gèrent les routes ou les aéroports, sont des investissements attrayants parce qu’ils fournissent des flux de trésorerie réguliers et sont extrêmement résistants dans différentes conjonctures économiques, dit Darren Spencer, directeur de services de consultation sur les placements alternatifs pour Investissements Russell à New York. « Quel que soit le niveau général d’activité économique, les gens continuent d’utiliser les autoroutes à péage tous les jours pour aller travailler », dit M. Spencer, dont la firme gère le Fonds d’infrastructures mondiales Russell.

Bien que cette catégorie d’actifs soit relativement nouvelle, elle est en bonne position pour connaître une croissance spectaculaire. « Les sommes qu’il faut pour financer et moderniser les infrastructures du monde entier pour soutenir les économies en croissance sont vertigineuses : 57 billions $US sur les 15 à 20 prochaines années, dit M. Spencer. Cela représente une occasion en or pour qui veut s’embarquer dans cette aventure dès le départ. »

Les investisseurs institutionnels au Canada et en Australie ont déjà répondu à l’appel. « Ils sont reconnus comme les chefs de file mondiaux du placement dans les infrastructures institutionnelles. Les fonds de pension australiens ont été des pionniers dans ce domaine au début des années 1990, où beaucoup de privatisations se produisaient dans le pays. De même, les Canadiens ont réalisé très tôt les avantages que présentaient les infrastructures », dit M. Spencer. Diplômé en économie de l’Université Flinders à Adelaide, en Australie (1995), il a été spécialiste des placements alternatifs pendant la plus grande partie de ses 20 ans de carrière.

L’Association canadienne des gestionnaires de caisses de retraite représente 140 fonds de pension et 1,2 billion $ d’actifs. En moyenne, l’affectation aux infrastructures est de 5 %. « Dans certains cas, cela peut aller jusqu’à 10 ou 15 %, dit M. Spencer. Il est clair que c’est une composante importante des portefeuilles institutionnels. »

Fait important : l’envergure des projets futurs signifie que les gouvernements à court d’argent doivent s’en remettre aux capitaux privés. « Les gouvernements du monde entier ont des ressources limitées compte tenu de leurs contraintes fiscales. Et il ne s’agit pas seulement de construire de nouvelles infrastructures mais d’entretenir et de moderniser ce que nous avons déjà », dit M. Spencer. D’autres facteurs décisifs sont la croissance des populations du monde, le développement de l’urbanisation et les exigences des classes moyennes prospères des marchés émergents. « Les capitaux privés seront très importants pour relever ces défis. »

Les actifs tangibles comme les infrastructures offrent une certaine diversification des portefeuilles, dit M. Spencer. Selon des recherches de Russell basées sur des prévisions sur 10 ans, les actifs infrastructurels ont une corrélation de 0,61 aux actions canadiennes, de 0,14 aux obligations canadiennes et de 0.62 aux actions mondiales. « Il y a des avantages énormes à ajouter des titres du secteur des infrastructures, comme réduire la volatilité générale des portefeuilles », dit M. Spencer.

« Ce qui est important, c’est que comme les investisseurs connaissent bien la volatilité et les conjonctures de taux d’intérêt faibles, ils insistent davantage sur la diversification des portefeuilles, ajoute M. Spencer. Les infrastructures peuvent contribuer à donner l’occasion d’atteindre la totalité des objectifs d’un portefeuille tout en gérant le risque général au niveau du portefeuille. Dans un portefeuille aux actifs très diversifiés, c’est une composante cruciale. »

Les soi-disant « mises pures » dans les actifs d’infrastructures (qui excluent par exemple les sociétés qui construisent les routes ou les aéroports) ont des attributs distinctifs. Généralement, elles fournissent des services essentiels, fonctionnent dans des conditions de quasi-monopole et ont des contrats qui peuvent durer jusqu’à 99 ans. « Elles fonctionnent dans des environnements réglementés et leurs revenus sont liés à l’inflation ou à la croissance du PIB. Les flux de trésorerie des actifs d’infrastructures tendent à être extrêmement résistants. »

Un autre avantage que note M. Spencer est le potentiel de rendement supérieur par rapport à d’autres instruments. Il remarque que l’Indice d’infrastructure mondiale S&P/TSX offre un revenu de 3,5 %, alors que celui de l’Indice composé S&P/TSX est de 2,9 % et celui de l’Indice obligataire universel canadien DEX est de 1,7 %. « De fait, on gagne une prime de 105 % par rapport aux obligations canadiennes et de 20 % par rapport aux actions, ce qui est extrêmement attrayant dans cet environnement. »

Le Fonds d’infrastructures mondiales Russell emploie trois sous-conseillers. Environ 38 % du portefeuille est géré par Colonial First State Asset Management (Australia), société de Sydney qui applique une sélection d’actions basée sur la croissance à un prix raisonnable. Un autre 38 % est supervisé par Nuveen Asset Management de Chicago, qui applique un processus axé sur la valeur. Le reste est géré par la société new-yorkaise Cohen & Steers Capital Management, depuis longtemps spécialiste des actifs tangibles liquides.

Il y a parmi les 10 avoir principaux du fonds des sociétés de services publics comme Enbridge (ENB), National Grid et Duke Energy (DUK), ainsi que Groupe Eurotunnel, propriétaire et gestionnaire du tunnel sous la manche qui relie le Royaume-Uni au continent européen. Lancé en janvier 2013, le fonds a affiché un rendement de 20,3 % en 2014, contre 9,9 % pour la catégorie Actions mondiales. Pour l’année à ce jour, le rendement du fonds a été de 9,5 %, soit 1,2 % de moins que son groupe de pairs.

M. Spencer, qui recommande une affectation dans les actifs d’infrastructures allant de 5 % à 15 %, note qu’une volatilité plus faible, qui va de pair avec une protection à la baisse, est peut-être la raison principale pour en posséder. Pour les cinq ans échus au 31 mars, la volatilité de l’Indice d’infrastructure mondiale S&P/TSX était de 13,2 %, soit 2,3 points de pourcentage de moins que l’Indice MSCI Monde.

L’autre facteur à considérer est la manière dont cette catégorie d’actifs réagit dans les marchés boursiers négatifs. « Depuis 2002, les titres d’infrastructures cotés en bourse ont surclassé les actions mondiales dans 12 des 17 trimestres de rendements négatifs des marchés boursiers, dit M. Spencer, et donc, 70 % du temps, on arrive à un surclassement. »