Cesser les mesures de stimulation monétaire
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Si elles étaient peut-être justifiées au lendemain de la crise financière de 2008-2009, elles ne le sont plus aujourd’hui, indique Krishen Rangasamy, économiste principal, Marchés financiers, Banque Nationale, dans une étude publiée en août.

« En injectant trop de liquidités trop longtemps, non seulement les banques centrales alimentent les bulles de prix des actifs, mais elles augmentent aussi les probabilités d’une nouvelle crise dans les années à venir, et surtout elles permettent aux gouvernements de se dérober à leurs responsabilités », écrit Krishen Rangasamy.

Cela explique le manque de mesures de stimulation budgétaires et la diminution du sentiment d’urgence à entreprendre des réformes, qui brident la croissance et donc l’inflation dans les économies avancées, selon l’économiste.

Lecture faussée

L’inflation des prix à la consommation demeure basse dans les économies avancées, mais se pourrait-il « qu’elle soit basse à cause de la grande détente monétaire et non malgré elle? », écrit Krishen Rangasamy.

L’économiste se demande même s’il est possible que la décision de mettre en place des mesures de politique monétaire extraordinaires « reposent sur des modèles incomplets des banques qui tiennent inadéquatement compte des chocs d’offre et des mesures gouvernementales incitatives ».

Est-il possible que, grâce aux progrès technologiques, le taux de chômage à inflation stationnaire soit plus bas et que la croissance du PIB potentiel soit plus élevée que ce qu’on pense actuellement? Dans l’affirmative, « il est temps que les banques centrales retirent leurs mesures de stimulation par la politique monétaire et confient la mission de stimulation de la croissance, et donc de l’inflation, à la politique budgétaire », indique Krishen Rangasamy.

Des années de stimulation monétaire extraordinaire ont contribué à extraire l’économie mondiale de la récession et de la crise financière de 2009, mais n’ont pas réussi à faire monter l’inflation, constate l’économiste.

« Voilà neuf ans que les grandes banques centrales du monde ont entrepris la mission de sauver l’économie mondiale d’une crise financière et d’éviter la déflation, lance Krishen Rangasamy. En plus de la réduction de leurs taux d’intérêt cibles à des creux jamais vus jusque-là, les banques centrales des États-Unis, du Royaume-Uni, de la zone euro et du Japon ont expérimenté avec des mesures d’assouplissement quantitatif, en faisant gonfler leurs propres bilans à des niveaux sans précédent ».

Malgré cela, l’inflation est demeurée inférieure à l’objectif de 2% des principales banques centrales, le taux d’inflation de base annuel s’établissant en moyenne à 1,6% aux États-Unis et au Canada, et à moins de 1% dans la zone euro et au Japon au cours des cinq dernières années, illustre Krishen Rangasamy.

Cette situation pourrait éventuellement inciter les banques centrales à envisager un changement de stratégie. « Une des possibilités serait de baisser l’objectif d’inflation pour refléter les changements structurels induits par les progrès technologiques, ce qui facilitera la décision d’augmenter les taux d’intérêt », estime Krishen Rangasamy.

Maintenir l’objectif d’inflation à 2%, mais appliquer cette cible à un nouvel indicateur de l’IPC qui prendrait mieux en compte les actifs achetés par les consommateurs, notamment les biens immobiliers et les valeurs financières, illustre aussi l’économiste.

« Être totalement transparentes et reconnaître que, à la lumière des changements structurels et de l’inaction des gouvernements, les banques centrales sont dans l’impossibilité d’atteindre leurs objectifs d’inflation et, par conséquent, opteront pour une solution de rechange pour empêcher la formation de bulles spéculatives d’actifs », est la troisième options identifiée.

De fait, l’économiste est d’avis qu’en multipliant les mesures de stimulation extraordinaires de la politique monétaire pendant trop longtemps, les banquiers centraux ont probablement semé les germes de la prochaine crise financière. « Le crédit bon marché a fait monter les prix des actifs tels que les obligations, les actions et les maisons au cours de la dernière décennie, déclenchant l’alarme d’un krach futur ».