Mais comme rien n’est simple en matière de technologie, des irritants subsistent à la fois chez les conseillers et de la part des cabinets. C’est ce que révèlent les résultats du Top 11 des cabinets multidisciplinaires. Les conseillers sondés ont beau accorder des notes moyennes pondérées en fonction de l’importance pour leur front office et leur back-office (arrière-guichet), respectivement de 8,1 et 8,3 points sur 10, de nombreux répondants indiquent que cela laisse à désirer. Les cabinets en sont conscients et ne laissent rien au hasard, selon des entrevues avec des dirigeants.

«La technologie est en haut de la liste pour le développement de notre futur», affirme Michael Rogers, vice-président, développement des affaires , Assurance des particuliers chez Desjardins Sécurité financière et président par intérim du réseau SFL. Selon lui, SFL doit «apporter aux conseillers une facilité sur le plan technologique et des processus».

Robert Frances, chef de la direction du Groupe financier PEAK, abonde en ce sens.

L’adoption d’un outil technologique doit permettre au conseiller de se sentir plus productif, de mieux servir son client, par exemple en analysant mieux son portefeuille, et de répondre aux besoins des régulateurs, selon lui : «Quand j’ai des inspections de l’Autorité des marchés financiers, des outils m’aident à démontrer que j’ai bien fait mon travail.»

Le courtier doit, quant à lui, faire la recherche, l’implantation, la formation et le suivi relatif aux systèmes informatiques qu’utilisent les conseillers.

En analysant les défis technos des cabinets, un premier constat s’impose : les conseillers utilisent des outils semblables, mais qui sont fournis différemment, en fonction des modèles d’affaires des cabinets.

De son côté, Distribution Financière Sun Life a une approche plus centralisée, car elle développe ses propres logiciels à l’interne.

Quant à MICA Services financiers, sa démarche est plutôt décentralisée : les conseillers peuvent avoir leurs propres logiciels et bénéficier des passerelles que le cabinet a créées.

Selon la méthode utilisée, une migration ou une mise à jour de logiciel, par exemple, engendre des défis différents, tant sur le plan du délai que de la manière dont les systèmes changent.

Il y a 30 ans, MICA a fait le choix de ne pas développer ses propres systèmes en privilégiant de collaborer avec Logiciels Modulex – qui est devenue Solutions AGEman – afin de développer son logiciel d’administration en assurance vie. Pour sa plateforme d’investissement, MICA a favorisé Windfund en 2004, qui a développé un rapport sur mesure et différents outils.

Toutefois, «il y a autant de réalités [informatiques] que de conseillers», constate Gino Savard, président de MICA.

Ainsi, plusieurs conseillers utilisent d’autres systèmes. «Le plus populaire étant définitivement Kronos – qui rallie une cinquantaine de conseillers sur plus de 180 – mais il y en a aussi qui ont leur propre base de données, de vieux CRM [NDLR : logiciel de gestion des relations clients] qu’ils ont adaptés et dont ils n’osent pas faire migrer les données», confirme Gino Savard.

Une question de sous

Autre constat : les conseillers utilisent différemment les technologies offertes. Certains conseillers prêtent moins d’attention aux outils ou les adoptent plus lentement.

«Nous croyons énormément en l’indépendance du conseiller», indique Robert Frances. C’est pourquoi, dit-il, les conseillers chez PEAK sont libres d’utiliser les outils de leurs choix, dans la mesure où ils sont approuvés parles organismes de réglementation.

Malgré cette liberté, les conseillers se tournent vers la firme pour négocier des tarifs de groupe et développer des passerelles à l’interne vers ces outils. «Nous ne pouvons pas soutenir tous les outils, mais s’il y a suffisamment de conseillers qui nous demandent une plateforme, nous allons investir et la rendre disponible», confirme le chef de la direction.

Il cite en exemple le module d’accès aux relevés de compte sur Internet. «Il s’agit d’un logiciel maison, Mon PEAK en ligne, qui vient se greffer sur les différents systèmes d’arrière-guichets.»

Les conseillers évaluent également le coût avant d’adopter ou non une technologie offerte par leur cabinet. Par exemple, SFL applique une approche à la carte, offrant ainsi un éventail de ressources technos à ses conseillers dont le tarif varie selon le produit. «On veut que les conseillers aient accès à toutes sortes de services, mais on ne veut pas les leur imposer», signale Michael Rogers.

SFL offre de plus un accès à Techno-Agences, qui fournit des services de location d’outils et du soutien technique. Michael Rogers y voit plusieurs avantages, notamment sur le plan de la mise à jour et de la maintenance des outils. Les recrues bénéficient de certains allègements tarifaires lors de leur entrée en carrière, mais lorsque cette période est passée et qu’elles sont bien établies, la facturation s’effectue selon un montant fixe, nonobstant la valeur de leur production.

Faciliter l’expérience client

Bien que l’accès à la technologie soit très couteux, elle est incontournable, indique Gino Savard.

Il y a deux ans, MICA a pris la décision de bâtir sa propre interface, qui est en ligne depuis le 1er janvier 2017. «C’est au sein de ce portail que nous avons généré les nouveaux relevés MRCC 2 pour nos clients», dit-il.

Chez Distribution Financière Sun Life, le site masunlife.ca offre au client un accès à tous ses placements, à son compte personnel ou collectif lorsqu’il est assuré, et même la possibilité de poser des questions à son conseiller.

«Nous cherchons à rendre ça facile pour le client. Le site est vraiment innovant et nous travaillons constamment pour le développer davantage», mentionne Stéphane Beaumier, vice-président régional Québec Lesage, à la Financière Sun Life.

Le lancement d’un portail client est aussi à l’ordre du jour chez Placements Manuvie, qui veut ainsi centraliser l’accès à ses différents secteurs d’activité.

«Nous voulons permettre au client, avec un seul accès, de voir la valeur de son portefeuille, savoir où en est son assurance collective, et combien d’argent il a accumulé dans son REER ou son CELI, explique Marc Rouleau, directeur général, régions du Québec et de l’Atlantique chez Placements Manuvie. Nous voulons mettre le client au centre de la relation.»

Il existe énormément d’outils technologiques destinés aux conseillers. Les cabinets, pour la plupart, adoptent le système de l’un ou l’autre des grands fournisseurs, par exemple AGEman Bluesun, et Windfund pour le secteur de l’assurance, et NaviPlan ou Univeris pour le secteur de l’investissement, qu’ils bonifient ensuite selon les besoins de leur modèle d’affaires.

Pas facile d’éliminer le papier

Miser sur des outils technos pour faciliter la tâche des conseillers est un processus évolutif et les projets innovants ne manquent pas. Tandis que Manuvie espère changer la donne avec son futur portail client, SFL travaille au développement d’une plateforme qui permettra aux conseillers de distribuer des fonds négociés en Bourse.

Les cabinets ciblent l’élimination de l’utilisation du papier. Bien que plusieurs interfaces le permettent déjà, y compris certaines qui sont soutenues par des applications mobiles qui acceptent la signature électronique, les cabinets n’y parviennent encore que de manière sectorielle.

«Il y a encore des règlements qui exigent le papier», note Robert Frances, citant en exemple des relevés de comptes dans le courtage de plein exercice, dans certaines juridictions.

En assurances, les réseaux de distribution ont jusqu’ici adopté inégalement la proposition électronique.

Les acteurs du réseau n’ont pas tous la même capacité à franchir le pas. «C’est un processus pour nous, mais aussi pour les conseillers et il faut respecter la vitesse à laquelle ils évoluent», mentionne Michael Rogers.

De même, «la réglementation fait en sorte qu’on ne peut pas tout avoir sous forme électronique demain matin», indique Stéphane Beaumier. Sun Life accepte les signatures électroniques depuis 10 ans et effectue des propositions sous forme électronique depuis 15 ans, illustre-t-il, «mais il y a encore des formulaires pour lesquels la signature originale est toujours requise» pour des raisons légales.