Se constituer en société peut procurer des avantages fiscaux à vos clients
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Les entreprises payent généralement un taux d’impôt sur le revenu plus bas que les individus, donc il n’est pas surprenant que de nombreux propriétaires de petite entreprise, ainsi que les investisseurs bien nantis, se demandent s’ils devraient créer une société pour conduire leurs affaires.

Dans de nombreux cas, se constituer en société va de soi, plus dans le cas d’un propriétaire d’entreprise que d’un investisseur, mais comme pour la plupart des décisions fiscales, tout dépend de sa situation personnelle.

L’une des principales considérations est le coût d’établissement initial (frais juridiques et comptables) et les dépenses courantes afférentes à la préparation des états financiers annuels et la déclaration d’impôt de l’entreprise. Mais en dernier lieu, ce qui compte, c’est le montant après impôt perçu par le propriétaire de l’entreprise ou l’investisseur en tant que contribuable individuel.

Voici certaines choses à considérer lorsqu’on crée une société à des fins d’investissement ou pour les petites entreprises :

Société de portefeuille

Le revenu généré par des investissements — y compris les intérêts, les dividendes et les gains en capital — qui sont détenus par une entreprise sont imposés au même taux que pour les investisseurs particuliers. Ainsi, il n’y a généralement aucun avantage à créer une société de portefeuille.

Il y a toutefois des exceptions, dit Tom Flaig, gestionnaire principal dans le domaine des pratiques fiscales de la division des services privés à la clientèle de EY. Pour commencer, il y a la situation où les membres d’une famille sont des actionnaires de la société de portefeuille. « Il peut être possible de faire des économies d’impôts en bout de course, lorsque les dividendes sujets à un remboursement peuvent être versés à des membres de la famille ayant un revenu faible », dit M. Flaig.

Une autre situation potentiellement avantageuse est de déclencher un gel successoral en transférant des placements à une société de portefeuille. M. Flaig dit que cela doit être fait en report d’impôt, avec toute la croissance future des placements qui s’accumule au bénéfice d’autres membres de la famille, comme les enfants.

Par exemple, supposons qu’un parent ait un portefeuille de placement d’une juste valeur marchande de 5 millions $ et d’un coût de base ajusté d’un million $. « Le parent pourrait transférer le portefeuille à une compagnie financière et opter pour que le transfert soit effectué au coût des investissements, de manière à ce que le gain en capital inhérent de 4 millions $ soit reporté », dit M. Flaig.

Par le biais de ce transfert, le parent reçoit des actions privilégiées d’une valeur fixe accompagnées d’une valeur de rachat totale de 5 millions $ (la juste valeur du portefeuille). « Les actions privilégiées de la compagnie financière seront détenues par les enfants du parent, permettant à la croissance future du portefeuille de s’accumuler au bénéfice des enfants », dit-il.

Les dividendes de la société de portefeuille peuvent être versés aux enfants — en supposant qu’ils soient majeurs et donc qu’ils ne soient pas assujettis aux règles anti-échappatoires — et peuvent donc déclencher leur remboursement en dividendes à la compagnie financière. Par ailleurs, dit M. Flaig, les actions privilégiées détenues par un parent peuvent être rachetées au fur et à mesure, pour subvenir à ses besoins, tout en réduisant l’obligation fiscale réalisée au moment du décès.

Certaines conditions doivent être remplies pour permettre ces transferts. Tout comme pour les investissements personnels, seules les dépenses (frais financiers et frais de gestion de placements par exemple) encourues pour toucher un revenu sont déductibles.

M. Flaig dit que les facteurs suivants devraient être pris en compte :

• Certains adultes de la famille se trouvent-ils dans une tranche fiscale plus basse et pourraient-ils profiter du revenu en dividendes futur d’une société?

• Quelle est la juste valeur marchande et le potentiel de croissance des investissements qui sont détenus au sein de la société, et y-a-t-il des contraintes de planification fiscale à prendre en compte? Généralement, plus le potentiel de valeur et de croissance est important, plus il est possible de tirer profit de la planification fiscale pour transmettre la croissance des investissements à la prochaine génération.

• Quels sont vont besoins futurs en matière de retraite et de revenu? « Par exemple, les placements qui génèrent un revenu dépassant les besoins personnels et de retraite d’un individu peuvent être transférés à une société pour multiplier les occasions de partage des revenus et pour transmettre des investissements à la prochaine génération d’une manière fiscalement avantageuse. »

Il serait bon de discuter des circonstances entourant chacune de ces situations avec un expert de ce domaine fiscal spécifique.

Convertir une entreprise individuelle en société constituée

Outre les questions de responsabilité juridique, l’une des raisons principales pour qu’une petite entreprise se constitue en société est la capacité de reporter un revenu personnel. (Puisqu’une entreprise est une entité juridique distincte, dans la plupart des cas vos actifs personnels sont à l’abri de toute action juridique contre cette entreprise, notamment l’intervention de créanciers.) Les liquidités qui restent au sein de l’entreprise seront imposables aux taux d’imposition des sociétés plus faible jusqu’à ce que votre client, le propriétaire, en ait besoin à des fins personnelles.

La plupart des petites entreprises qui se constituent en sociétés sont reconnues comme étant des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC), ce qui entend que la plupart des actions sont détenues par un Canadien ou que ses actions ne sont pas négociées en bourse. Une SPCC paye des impôts sur le revenu de l’entreprise à un taux de moins de 20 % qui combine l’impôt fédéral et l’impôt provincial, comparativement à un taux d’imposition marginal pouvant atteindre 50 % ou plus selon la province.

« Ce taux plus faible d’imposition des sociétés peut laisser un montant après impôt important au sein de l’entreprise, montant qui peut être réinvesti dans l’entreprise ou dans des actifs de placement, ou utilisé pour rembourser les dettes de l’entreprise plus rapidement », dit M. Flaig.

Il n’y a pas de chiffre magique où le revenu indique le besoin d’incorporer une petite entreprise. La décision devrait plutôt être fondée sur l’éventuelle création de liquidités excédentaires par l’entreprise. Autrement dit, votre client dépensera-t-il, en tant que propriétaire unique, tout ce qu’il gagne?

D’autres questions essentielles concernent les possibilités de partage des revenus (en faisant de son conjoint ou ses enfants adultes des actionnaires) et de planification successorale.

Toutefois, il est bon de noter qu’en n’étant pas constitué en société, votre client peut continuer à utiliser les pertes de l’entreprise pour réduire d’autres sources de revenu, comme un revenu d’emploi s’il travaille en plus de diriger son entreprise. Les pertes subies par une société peuvent être utilisées seulement pour réduire le revenu futur de la société. En général, comme dans le cas d’une entreprise qui n’est pas constituée en société, les dépenses de l’entreprise ne peuvent être utilisées que comme déductions du revenu de l’entreprise.

Qui plus est, une entreprise constituée en société encourt des dépenses supplémentaires aux termes de ses obligations comptables et juridiques. « Conduire ses affaires par le biais d’une entreprise constituée en société comporte généralement des coûts de conformité plus élevés du point de vue juridique, car l’entreprise sera tenue de maintenir un registre des procès verbaux et de faire une déclaration de revenu annuelle auprès de la division provinciale d’homologation des entreprises », dit M. Flaig.

Du côté positif, le report d’impôt sur les sociétés fournit un allégement fiscal au fil des années pour les fonds qui demeurent investis dans la société. Et il peut y avoir un avantage plus grand en touchant un revenu de l’entreprise sous forme de dividendes, qui sont imposés plus favorablement qu’un revenu d’emploi normal.

Mais les décisions concernant le salaire et les dividendes relèvent d’un processus complexe. « La décision de percevoir un salaire ou des dividendes n’est pas nécessairement une décision fiscale, dit M. Flaig. Il faut examiner la situation au cas par cas. »

Il identifie plusieurs autres facteurs :

• Les dividendes ne sont pas considérés comme un revenu gagné et ne feront pas augmenter la marge de cotisation à un REER individuel.

• Contrairement à un salaire, l’impôt sur le revenu n’a pas à être retenu sur les dividendes aux fins de l’impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada, du Régime des rentes du Québec et du régime d’assurance-emploi.

• Les dividendes peuvent être versés aux membres de la famille même s’ils ne contribuent pas à l’entreprise.

• La compagnie peut déduire les salaires de ses impôts, mais pas les dividendes.

• Les dividendes sont assujettis à des taux d’imposition individuels plus bas.

Il y a beaucoup d’analyse à faire, mais c’est un processus utile car dans de nombreux cas, constituer une société en vaut la peine pour faire des économies d’impôts et bénéficier d’une protection juridique, sans mentionner que cela peut améliorer l’image professionnelle d’ensemble de l’entreprise.