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Le contexte : un notaire est en train de lire à une famille en deuil le testament d’un défunt. On entend nettement des halètements dans la pièce. Certains sont agréablement surpris de recevoir une entrée d’argent imprévue. D’autres sont choqués et en colère de recevoir si peu, voire rien du tout. Ces scénarios sont la conséquence de testaments tenus secrets, dit l’auteur et orateur ontarien Tom Deans, un spécialiste du transfert de patrimoine entre les générations.

Ne pas discuter des termes de son testament avec ses bénéficiaires prévus est l’une des pires erreurs qu’un client puisse commettre en matière de planification successorale, dit M. Deans. Il a publié des ouvrages comme Willing Wisdom, dans lequel il offre des conseils sur la manière de se préparer à l’inévitable. Il signale que les membres survivants de la famille qui estiment ne pas avoir reçu ce qu’ils méritaient ou ce à quoi ils s’attendaient peuvent entamer des poursuites pour réclamer ce qu’ils estiment être leur juste part de l’héritage.

« Le silence est un grand destructeur du patrimoine familial », a dit M. Deans en tant que conférencier vedette lors d’un événement à Toronto en octobre commandité par HighView Financial Group, une firme de conseils de placement située à Oakville (Ontario), qui offre ses services aux familles aisées et aux fondations. M. Deans est également l’auteur de l’ouvrage Every Family’s Business: 12 Common Sense Questions to Protect Your Wealth (C’est l’affaire de chaque famille : 12 questions de bon sens pour protéger votre patrimoine).

L’effet de surprise d’un testament peut aussi trouver les héritiers mal préparés à faire face à leur patrimoine nouvellement acquis. « Quelqu’un dans la province vient d’hériter d’un gros montant d’argent et cette richesse va le détruire », a dit M. Deans au public de HighView.

M. Deans est un grand partisan des réunions de famille, au moins une fois par an, pour discuter des testaments. Selon lui, la meilleure journée pour une telle discussion est un anniversaire quelconque, qui occasionne souvent un rassemblement familial de toute façon. « C’est une bonne journée pour passer en revue votre testament », dit-il.

En posant les bonnes questions lors des réunions de famille, M. Deans dit que les décisions de planification successorale surgissent souvent d’un échange d’idées à bâtons rompus, et qu’il n’y aura pas de surprise.

Dans son livre Willing Wisdom, M. Deans suggère sept questions à soulever lors d’une réunion de famille. Par exemple, la troisième question demande : « Comment un héritage pourrait-il contribuer à ce que vos rêves, ceux de votre famille et de votre communauté se réalisent? » Les six autres questions couvrent les relations avec la famille, comment les générations passées ont acquis leurs richesses, ce qui est considéré comme équitable, comment les générations passées ont légué leurs richesses, le rôle que les enfants adultes ont joué dans les soins dispensés à leurs parents vieillissants, et la description des derniers vœux.

Les conversations régulières au cours des années sur les conditions de son testament sont l’occasion de partager ses rêves, sa sagesse et ses valeurs avec ses enfants. « Et n’est-ce pas la définition même d’un testament : une déclaration d’amour et l’espoir que les autres perpétueront notre tâche en s’inspirant de notre sagesse et de notre richesse? », écrit M. Deans.

Les conseils de l’auteur s’appliquent aussi aux gens qui n’ont pas d’enfants. Il suggère de substituer les membres de la famille ou les amis dans le processus de planification et de consultation.

Les dons de bienfaisance sont un autre domaine d’expertise de M. Deans, qui détient un doctorat en science politique de l’Université de Warwick en Angleterre et qui a effectué des recherches sur le rôle des organismes de bienfaisance et de l’État.

M. Deans recommande de rencontrer les représentants des organismes de bienfaisance avant de consentir à faire un don posthume. Cela permettra de déterminer s’il existe un alignement des valeurs entre le donateur et le bénéficiaire, et si l’oeuvre de charité est plus méritante qu’une autre cause louable.

Autres conseils de M. Deans sur la façon d’élaborer des testaments et de distribuer le patrimoine du client à ses héritiers :

  • De son vivant, le client ne devrait pas favoriser financièrement un enfant adulte qui prend des décisions de style de vie, comme se marier ou acheter une maison. M. Deans dit que cela pourrait avoir l’air d’une récompense pour certains types d’actions, et être perçu comme étant injuste par les enfants qui, par exemple, restent célibataires ou qui décident qu’ils préfèrent louer une maison plutôt qu’en acheter une.
  • Si un enfant adulte contribue davantage aux soins de ses parents vieillissants ou y dépense plus d’argent, on devrait lui offrir un dédommagement financier de son vivant plutôt que de lui léguer une plus grande portion de l’héritage.
  • La promesse qu’un enfant adulte s’occupera de ses parents âgés ne devrait pas être considéré comme une attente normale, ni comme une condition préalable pour recevoir de l’argent.

Même si les enfants adultes d’un client sont financièrement aisés, il ne faut pas sauter pas une génération lorsqu’on rédige un testament. À l’exception de petits legs, laisser des biens à ses  petits-enfants pourrait porter atteinte à leurs relations avec leurs parents.

Tout ce qui précède part du principe que votre client a un testament et qu’il est à jour. La plus sérieuse erreur de planification successorale, dit M. Deans, est de ne pas avoir de testament. Il estime que c’est le cas d’un nombre ahurissant de 12,5 millions d’adultes canadiens.