Parmi les 201 représentants qui ont répondu à la question «Avez-vous l’intention d’adopter davantage la rémunération à honoraires ?», 49,3 % ont répondu «non», et 39,3 %, «oui». Les indécis sont toutefois nombreux, soit 11,4 %.

Malgré tout, ces proportions démontrent une certaine ouverture des conseillers à l’égard des honoraires, qui ne représentent qu’environ 5,3 % des revenus bruts moyens générés par conseiller, selon notre sondage.

Cette ouverture découle peut-être de la pression provenant des régulateurs provinciaux qui envisagent d’interdire les commissions intégrées et les frais d’acquisition reportés. Ils placent ainsi une épée de Damoclès au-dessus de ces formes de rémunération, qui représentent respectivement 52,9 et 37,2 % du revenu brut moyen par représentant.

«La réglementation va vers cela, c’est aussi plus transparent pour le client», dit un conseiller sondé qui adoptera davantage les honoraires.

Michael Rogers, vice-président, développement des affaires, Assurance des particuliers chez Desjardins Sécurité financière et président par intérim du réseau SFL. Fait écho à ce commentaire : «Avec la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), les clients ont beaucoup plus d’information. Ils sont plus curieux et plus ouverts à ce genre de discussion sur les comptes à honoraires.»

Depuis six ans, Robert Frances, président et chef de la direction du Groupe financier PEAK, incite ses conseillers à adopter les honoraires, en leur soulignant le risque de changement réglementaire. Les conseillers aiment entre autres le contrôle que cela leur procure, selon lui : «Leur revenu dépend de leur client et non d’une société de fonds. Ça les met en contrôle de leur pratique. Parce que, on l’a vu, une société de fonds peut changer ses engagements. Ils trouvent aussi plus facile de dire :  » Je n’ai pas besoin de faire des transactions pour générer des commissions. Quand c’est le temps de déplacer les affaires, je les déplace « .»

L’industrie est pro-choix

Même si les cabinets créent des outils pour offrir les comptes à honoraires, ils veulent le maintien des commissions intégrées. «On est pour le libre choix, pour que le petit comme le gros compte client ait du conseil», indique Marc Rouleau, directeur général, régions du Québec et de l’Atlantique chez Placements Manuvie. Celui-ci s’inquiète des conséquences de l’abolition des commissions intégrées, puisque certains clients risquent de se priver de la valeur du conseil en évitant de payer des frais directs.

Même les conseillers interrogés qui adopteront davantage les honoraires partagent ce sentiment, certains soulignant que l’abandon des commissions ne profitera qu’aux clients fortunés. Ces derniers bénéficieront de rabais d’honoraires étant donné la taille de leur actif, ce qui n’est pas le cas des petits comptes.

«Toute la discussion sur les commissions intégrées est faussée, car celles-ci sont moins élevées pour certains comptes», dit l’un d’entre eux.

En effet, dans un système à honoraires régressifs, le taux d’honoraires est plus élevé pour les petits comptes et diminue au fur et à mesure que l’actif du client croît. Un conseiller pourrait facturer des honoraires représentant de 1,25 à 1,50 % de l’actif pour un client ayant moins de 50 000 $ à investir et de 1,10 à 1,30 % pour un client ayant de 50 000 à 100 000 $ à investir, selon des barèmes envisagés par MICA Services financiers.

En conséquence, un client pourrait payer, par exemple, 1,25 % d’honoraires à son courtier en plus des frais de gestion de portefeuille de 1,40 %, pour un total de 2,65 %. En commission intégrée, ce même client paie plutôt des frais d’environ 2,40 %, soit 1,00 % à son courtier et 1,40 % au portefeuilliste.

C’est justement pourquoi plusieurs conseillers sondés s’opposent à offrir les honoraires. «Jamais, sinon je pars. Les honoraires sont faits pour les gros comptes. On élimine la nouvelle génération», dit l’un d’eux.

Chez MICA, les comptes à honoraires forment une faible part du chiffre d’affaires et ils ne sont pas promus. «Je plaide pour que le client ait le libre choix de la façon dont il rémunère son conseiller. Alors, je n’irai pas d’un autre côté faire la promotion d’un modèle [à honoraires]», dit Gino Savard, président de MICA.

Non à la négociation

Comme les représentants en épargne collective de PEAK peuvent offrir des fonds négociés en Bourse (FNB) à faibles frais de gestion de portefeuille, les petits comptes pourront être à honoraires, note Robert Frances : «Avec l’arrivée des FNB, ce n’est pas une question de taille du compte, c’est une question de gestion de pratique.»

D’autres courtiers en épargne collective aimeraient que leurs conseillers puissent offrir des FNB, dont SFL, qui discute en ce sens avec son fournisseur Univeris. «Je souhaite que l’an prochain à pareille date ce soit disponible, mais on va continuer nos discussions», dit Michael Rogers.

Quoi qu’il en soit, plusieurs conseillers sondés s’opposent aux honoraires qui les forceraient à négocier leur rémunération avec chaque client, ce qui risque de plomber leurs ventes brutes.

Toutefois, l’abolition éventuelle des commissions pourrait ne pas réduire à ce point les ventes, selon Stéphane Beaumier, vice-président régional Québec Lesage à la Financière Sun Life. L’interdiction pourrait accélérer le départ de l’industrie de certains conseillers. Les avoirs de clients devenus ainsi orphelins gonfleraient alors l’actif sous administration des conseillers «survivants», d’après lui : «Le conseiller va être capable de faire de bonnes affaires même si le taux de commission sera plus bas. Parce que c’est clair que le consommateur va négocier.»