Acomptes provisionnels : dix questions
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Ces professionnels sont Luc Lacombe, et Sarah Phaneuf, tous deux associés et fiscalistes chez Raymond Chabot Grant Thornton, et Nabil Warda, fiscaliste et auditeur pour son propre cabinet.

Pourquoi faire des acomptes provisionnels? Pourquoi ne pas payer son impôt en un seul versement, comme tout le monde le fait à la fin d’avril?

C’est une simple question de justice et d’équité à respecter entre salariés et travailleurs autonomes. À chaque paye, le salarié paye à la source une part réservée à l’impôt. En fait, les travailleurs autonomes sont chanceux. Ils n’ont une part à payer qu’aux trois mois. De plus, payer son impôt en un seul montant annuel pourrait représenter une trop grosse somme pour plusieurs qui, pendant l’année, auraient dépensé un argent qui revient de droit au gouvernement.

Quels contribuables sont tenus de payer ces acomptes?

Tout contribuable, même un salarié, qui récolte des revenus non assujettis aux déductions à la source (honoraires, revenus de placements, etc.) peut être tenu de verser des acomptes provisionnels. Il doit en payer si les deux critères suivants s’appliquent : si son impôt net à payer pour 2016 au provincial ou au fédéral dépassera le seuil de 1 800$ (3 000$ pour les territoires); et si son impôt net à payer en 2015 ou en 2014 dépassait le même seuil. Ces montants ne sont pas une moyenne. Si on doit 1 400$ au fédéral et 2 400$ au provincial, on ne paye qu’au provincial. Dans le calcul du montant à payer au provincial, on inclut les diverses cotisations comme la RRQ et la RAMQ; pas au fédéral.

À quelle fréquence doit-on faire des acomptes?

Trimestriellement, soit les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre de chaque année. Ces échéances valent pour les deux paliers de gouvernement.

Comment déterminer le montant des acomptes à payer?

On peut recourir à trois méthodes. La première est de référer au montant d’impôt payé l’année précédente. Si ce montant était de 2 000$, par exemple, je devrai payer en acomptes trimestriels égaux de 500$.

La méthode change pour le contribuable qui doit faire des acomptes pour la première fois. Dans son cas, selon le montant estimé de son impôt à payer, il fait deux premiers versements aux trimestres de mars et de juin qui doivent correspondre à 25 % de l’impôt payable pour la 2e année antérieure. Quand vient le moment de payer le troisième acompte de septembre, puisqu’il a fait son rapport en avril, il connaît maintenant la somme exacte à payer. De cette somme, il retire donc les montants des acomptes versés en mars et juin; puis il divise ce solde par deux, ce qui lui indique les montants des acomptes qu’il devra payer en septembre et décembre.

La troisième méthode implique une décision de la part du contribuable. S’il sait que son revenu de l’année précédente était exceptionnellement élevé, il peut choisir de faire des acomptes ajustés à un revenu moindre en quatre montants égaux.

De ces trois méthodes, seule la deuxième assure qu’on n’aura pas d’intérêts ou de pénalités à payer. Avec les deux autres méthodes, le contribuable court le risque d’avoir des revenus accrus pour lesquels il n’aura pas payé les acomptes nécessaires.

Peut-on réduire le montant des acomptes à payer?

On peut évidemment choisir de réduire les montants à payer ou même ne pas les payer, mais il y aura des conséquences. Si le contribuable juge que le niveau de ses revenus ne l’oblige pas à payer des acomptes provisionnels, il peut s’en soustraire. S’il se trompe, il aura des intérêts à payer, peut-être même des pénalités.

Quels sont ces intérêts et pénalités?

Il faut distinguer intérêts et pénalités. Au Québec, il n’y a pas de pénalités, mais les intérêts peuvent s’avérer coûteux. Sur toute somme non payée, le contribuable doit payer un intérêt qui se situe à 6%, payable à partir de la date où cette somme manquante était due. Si le contribuable a payé un montant inférieur de 25% à la somme due, alors l’intérêt passe à 10%.Le calcul diffère au niveau fédéral. Les intérêts à payer sur les sommes insuffisantes payées s’élèvent à 5%.

Toutefois, si l’intérêt à payer dépasse 1 000$ pour l’année en cours, des pénalités entrent en jeu. Le contribuable doit alors payer le plus élevé de deux montants : 1 000$ ou 25% des intérêts qu’il aurait dû payer s’il n’avait fait aucun acompte provisionnel pour l’année en cours. Enfin, ce montant est soustrait des frais d’intérêts sur acomptes provisionnels et le solde, divisé par deux. Ce calcul n’est pas établi par le contribuable, mais par l’Agence de revenu du Canada. Le contribuable voit seulement le montant de la pénalité qui lui est imposée.

Le contribuable qui paye en trop est-il compensé?

Certes. Tant au provincial qu’au fédéral, le gouvernement paie un intérêt, mais minime, de 1%, sur les montants d’acomptes payés en sus. Évidemment, le contribuable reçoit aussi un remboursement du trop-perçu.

Comment peut-on payer les acomptes?

Par la poste, mais on peut également payer directement en ligne. On peut aussi payer en ligne via un compte bancaire ou encore payer au comptoir d’une banque.

Quelles erreurs commettent le plus fréquemment les contribuables?

La principale erreur est « bête et méchante » : le contribuable, allergique à tout courrier provenant du fisc, n’ouvre tout simplement pas l’enveloppe contenant les documents qui réclament le paiement d’acomptes. Il la jette plutôt dans un classeur qu’il remet à son comptable six, huit ou dix mois plus tard. Et il doit alors payer cher sa négligence.

Une autre erreur est de faire dès septembre des ajustements à la baisse aux montants à payer, surtout si nos revenus ont fléchi. Vaut mieux payer un plein montant en septembre et attendre à décembre pour faire tout ajustement alors que l’année en cours s’achève.

Existe-t-il des stratégies fiscales auxquelles on peut recourir?

Le contribuable qui ne paie pas au moins 75% de son acompte provisionnel le 15 septembre aura un taux d’intérêt de 15% à payer. Il a donc avantage à payer à l’avance son acompte de décembre sur lequel le gouvernement lui paiera un taux d’intérêt sur le trop-perçu, compensant ainsi en partie la « pénalité ».

Aussi, la structure de pénalité au fédéral avantage le plus petit contribuable, et celui-ci peut en tirer avantage. Le seuil élevé des pénalités à ce palier fait en sorte qu’il est moins coûteux qu’au provincial de payer moins d’acomptes ou de payer en retard. Pour la majorité des contribuables, si on doit être en faute, vaut mieux l’être du côté fédéral.