Le cours des titres reflète la difficulté d’absorber l’offre excédentaire de ces diverses ressources, une problématique qui se pose plus particulièrement dans le secteur énergétique.

Or, le prix du pétrole a une composante financière qui pousse sa volatilité au-delà des données fondamentales de l’offre et de la demande, soutient Stephen Bonnyman. «Vous pouvez participer au marché du pétrole sans jamais en détenir, par l’intermédiaire de divers produits dérivés ou de fonds négociés en Bourse qui détiennent des contrats à terme sur le pétrole.»

Cette situation élargit la base de participants au-delà des acheteurs et des vendeurs du produit réel, ajoute-t-il : «Nous pensons qu’une grande partie de la volatilité observée est liée à ces produits financiers et non à l’écart de 1,2 million (M) de barils entre l’offre et la demande de pétrole.»

Prix insoutenables

Cette influence des produits financiers se constate dans le fait que les prix actuels sont insoutenables sur toute période pertinente, d’après Stephen Bonnyman.

«Le prix actuel, s’il se maintient, n’est pas un incitatif suffisant au réinvestissement pour obtenir un rendement du capital investi attrayant. La production s’ajustera beaucoup plus rapidement qu’auparavant à la demande. On le voit dans la chute rapide du nombre de puits en exploitation. Personne n’investira dans des puits aux coûts élevés lorsque les prix sont bas. Le meilleur remède au bas prix du pétrole est un pétrole à bas prix. C’est pourquoi l’investisseur qui a un horizon de placement à moyen terme aurait intérêt à profiter de cette situation», juge-t-il.

Il souligne que la nature des changements dans la base de production a entraîné des changements dans la pérennité de l’offre. Il se perd naturellement entre 3,5 % et 4 % de production chaque année, sans réinvestissement. Ce taux est plus élevé que dans le passé. Et cela est en partie le résultat de la grande expansion du pétrole de schiste aux États-Unis, dont le taux d’épuisement (depletion rate) est très élevé, puisqu’une proportion très importante de la ressource est extraite au cours des 18 premiers mois d’exploitation et que la production chute dramatiquement par la suite.

Un tel genre de production exige un taux élevé et constant de réinvestissements pour maintenir le même niveau de production.

Croissance mondiale faible

Le pétrole est un des meilleurs baromètres de la croissance mondiale. Il annonce que celle-ci est faible, et que le monde ne peut pas compter sur la seule croissance américaine pour fonctionner, comme l’ont pensé pendant un certain temps les marchés des actions.

«Sur une base relative, le marché américain reste le meilleur, mais 2015 sera beaucoup plus volatil, et l’affaissement des matières premières est de mauvais augure», prévient Thomas George, gestionnaire du Fonds Ressources TD.

D’après lui, il faut oublier la théorie d’un complot saoudien pour éliminer la concurrence : la chute du prix du pétrole résulte à la fois d’une croissance de la demande inférieure aux attentes et d’une offre excédentaire.

«On s’attendait en 2014 à une croissance de la demande de pétrole de 1 M de barils par jour, et on s’est rendu compte au milieu de l’année qu’elle ne serait que de 400 000 barils. De plus, il s’est probablement ajouté 400 000 barils par jour à l’offre existante», note Thomas George.

Selon lui, le pétrole est une ressource dont l’offre est incroyablement inélastique : «Il est difficile de freiner rapidement la production de pétrole. La demande aussi est très inélastique : je ne peux pas faire grand-chose de plus si le prix de l’essence chute de 30 %. J’ai toujours le même réservoir, et la distance pour aller au travail est la même. La consommation ne monte pas en flèche parce que le prix est plus bas.»

L’or favorisé

Thomas George calcule que quand l’économie tourne rond, le prix du pétrole doit osciller autour de 90 $ US. Il peut monter à 100 $ US et plus dans un environnement géopolitique tendu ou baisser à 80 $ US dans une situation idéale.

Si l’épuisement rapide des puits de pétrole de schiste peut résorber le surplus de l’offre sur une période de 6 à 12 mois, la croissance de la demande ne peut venir que d’une réaccélération de l’économie mondiale, dont la croissance a été récemment ramenée de 3,4 % à 3 % par la Banque mondiale.

Or, malgré une croissance économique de 7 % en Chine en 2014, l’augmentation de la demande en diesel a été nulle en raison de la réorientation de l’économie vers la consommation. Le diesel est principalement utilisé dans la production industrielle.

«Le risque de déflation en Europe amènera la Banque centrale européenne (BCE) à prendre des mesures draconiennes d’assouplissement quantitatif. Par ailleurs, la situation en Grèce créera de l’instabilité, même si l’Europe survivra. Tout ce contexte est favorable à l’or, qui est fondamentalement une devise. C’est pourquoi nous avons doublé notre pondération normale en titres aurifères pour la porter à 20 %, de sorte que ces titres comptent pour environ deux tiers de nos titres en matériaux», précise Thomas George.

Rendements supérieurs ?

Benoît Gervais, gestionnaire de la Catégorie Mackenzie Mondial de ressources, se dit optimiste tant pour le secteur des titres énergétiques que pour ceux des matériaux.

«Au cours des prochains 18 à 24 mois, les rendements des titres de ressources seront supérieurs à la moyenne de 9 % enregistrée par l’indice S&P 500 au cours des 100 dernières années. Ces titres offrent dès maintenant une proposition rendement/risque alléchante, surtout qu’ils ont passablement baissé. Une des raisons de cet optimisme est le prolongement et l’élargissement du cycle de croissance de l’économie américaine, qui durent depuis six ans et qui pourraient en durer dix», affirme-t-il.

Une raison de ce prolongement serait que le taux d’utilisation des capacités a augmenté en même temps que l’économie, repoussant le moment où une forte inflation surviendra. Ensuite, nous sommes au point dans le cycle des salaires où de 40 % à 50 % des salariés enregistrent des augmentations de 3 %, ce qui aura un effet stimulant sur le reste de l’économie, créant un cercle vertueux. Or, les salaires et le secteur domiciliaire vont de pair, rappelle-t-il.

Choisir des sociétés moins sensibles

Par ailleurs, même si en raison de la transition vers une économie de consommation, l’utilisation des matières premières sera différente en Chine, il demeure que la demande de cuivre et de pétrole devrait continuer d’y croître, selon Benoît Gervais.

En Europe et au Japon, d’importants programmes de stimulus monétaire réduiront le risque d’un accident majeur et maintiendront la croissance annuelle entre 0 et 2 %. La croissance mondiale devrait osciller autour de 3 % en 2015.

Ce stimulus monétaire au Japon et en Europe a cependant poussé à la hausse le dollar américain. Ce dollar américain plus fort a eu pour effet de faire baisser les prix des matières premières, toutes cotées dans cette devise.

Dans ce contexte, il dit sélectionner des sociétés dont le modèle d’affaires permet de croître en dépit de prix plus faibles des matières premières. «Cette société peut-elle accroître ses volumes de production et croître grâce au prix plus bas de cette ressource ? Lorsque les prix de ces matières atteindront de nouveaux sommets dans deux ans, cette société sera plus grande, vendra des volumes plus importants à des prix plus élevés, et son cours boursier augmentera», raisonne-t-il.

Demande accrue

Il n’y a pas de corrélation entre la force du dollar américain et le volume des expéditions des matières premières, soutient Benoît Gervais : «Vous devez vous demander : vend-on plus de cuivre année après année ? La demande de cuivre a augmenté de 6 % en 2014. Ensuite, certaines mines sont près de l’épuisement, et nous verrons le cours se redresser en 2016-2017. First Quantum doublera sa production de cuivre au cours des trois prochaines années», souligne-t-il.

Il calcule qu’une croissance mondiale de 3 % se traduira par une augmentation d’environ 1,2 M de barils de la demande quotidienne en pétrole. Le surplus de l’offre est actuellement de 1 M de barils quotidiennement.

Un prix inférieur à 80 $ US pendant un an pourrait fort bien résoudre le déséquilibre entre l’offre et la demande, car au-dessous de ce prix, il n’est pas rentable d’augmenter la production de pétrole de schiste américain, la seule source de croissance de production pétrolière du monde.

Selon lui, les cours actuels des titres pétroliers incorporent un prix d’environ 60 $ US le baril dans un an. «Votre modèle d’affaires devrait incorporer un prix de 70 $ US», estime Benoît Gervais.

Alors que le prix du gaz est à la moitié de ce qu’il était il y a cinq ans, certains titres gaziers dont le cours a doublé sont un bon exemple : leur production a beaucoup augmenté. «Nous croyons que le prix du gaz naturel oscillera entre 3,50 et 4,50 $ US le million de pi3. Vous devez être rentable à ces prix ou disparaître», tranche-t-il.