Améliorer la fiscalité

Nos gouvernements reconnaissent l’importance des petites et moyennes entreprises (PME) comme moteur de développement économique. Et pour cause, ces entreprises de moins de 500 employés génèrent plus de la moitié du produit intérieur brut et des nouveaux emplois au pays. Pour cette raison, le gouvernement québécois a mis en place au fil des ans des programmes et des mesures fiscales qui visent à favoriser leur financement et leur croissance.

On pense ici notamment aux interventions directes d’Investissement Québec, au crédit d’impôt relatif aux fonds de capital de risque de travailleurs ou pour l’acquisition d’actions de Capital régional et coopératif Desjardins ainsi qu’au Régime d’épargne-actions (REA II).

Or, aujourd’hui, le REA II peine à attirer des entreprises qualifiées. Les fonds d’investissement REA doivent refuser des souscriptions, faute de placements admissibles disponibles. À l’inverse, le Québec reçoit plus que sa juste part des investissements en capital de risque et de croissance, avec plus de la moitié des investissements au Canada.

Par ailleurs, ni le REA II ni les fonds fiscalisés ne répondent aux besoins des entreprises qui sont trop petites pour intéresser les fonds fiscalisés ou accéder au marché boursier. Dans un tel contexte, il est possible que la fiscalité contribue à créer une «offre excédentaire» de capitaux pour certains types d’entreprises, alors que d’autres peinent à se financer. En outre, le Québec ne peut espérer voir émerger la prochaine génération de Cascades, CGI et Couche-Tard sans l’apport du marché boursier.

Il serait opportun que la commission Godbout sur la fiscalité recommande au gouvernement du Québec un rééquilibrage des mesures fiscales afin de s’assurer de répondre aux besoins d’un plus grand éventail d’entreprises.

Une première mesure pourrait viser la mise en place d’un programme inspiré du «Enterprise Investment Scheme» du Royaume-Uni1, qui encourage l’investissement des particuliers dans les petites entreprises. Depuis 1993, ce programme a permis à 18 500 entreprises de lever des capitaux de plus de 15 G$. Ce programme ne vise pas les entreprises cotées en Bourse, mais fournit plutôt du capital de démarrage et de développement. On crée ainsi un bassin d’entreprises qui feront par la suite appel à d’autres sources de financement, dont le marché boursier.

Une deuxième mesure préconisée par l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) est le report de l’impôt sur les gains en capital réalisés lors de la vente d’actifs, lorsque ces gains sont placés dans des petites ou moyennes entreprises admissibles2.

Ces deux mesures présentent plusieurs avantages. D’abord elles permettent de «désinstitutionnaliser» la prise de décision d’investissement. Chaque investisseur devient alors un capital-risqueur en puissance. De plus, on peut présumer que le contribuable typique qui a des gains en capital à reporter est davantage en mesure d’assumer le risque que les travailleurs québécois qui sont les principaux actionnaires des fonds fiscalisés. Finalement, contrairement au crédit d’impôt, le report d’impôt ne coûte rien au Trésor tant que l’investissement n’a pas pris de la valeur, et dans ce cas, l’entreprise en question aura probablement connu du succès, créé des emplois et généré des revenus fiscaux.

Simplifier le cadre règlementaire

Le deuxième domaine d’intervention concerne la règlementation des émetteurs et des intermédiaires. Alors que l’appel public à l’épargne est en panne, on observe une forte croissance du marché dispensé, où les capitaux levés dépassent largement ce qu’on observe sur les marchés publics. Le marché dispensé est partie intégrante du marché des capitaux. Il joue un rôle essentiel dans l’écosystème financier, puisque toutes les entreprises ne sont pas candidates à l’inscription en Bourse et que même celles qui y sont inscrites doivent fréquemment effectuer des placements privés.

Cependant, dans la mesure où la dichotomie entre marché public et marché dispensé résulte en partie de l’accroissement de la lourdeur du cadre règlementaire pour les émetteurs et pour les intermédiaires, et des coûts qui y sont associés, il y a lieu de s’interroger.

La taille et la complexité des prospectus (Qui les lit vraiment ?), les obligations accrues d’information continue et les exigences parfois trop restrictives en matière de convenance des placements contrastent avec ce que l’on observe sur le marché dispensé.

Les autorités de réglementation proposent d’ouvrir le marché dispensé à un plus grand nombre d’investisseurs (95 % en sont actuellement exclus), notamment par le financement participatif (crowdfunding), qui soulève bien des questions quant à la protection des investisseurs. On devrait en parallèle viser à simplifier le cadre règlementaire sur le marché public et pour les courtiers membres de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.

Au Québec comme ailleurs, les PME jouent un rôle crucial dans le développement économique. Elles doivent avoir accès à du capital tout au long de leur cycle de vie, des sources privées de même que des marchés publics (qui sont une porte de sortie pour les capitaux privés).

Puisque la fiscalité et la règlementation influencent fortement les choix des investisseurs et des entreprises, on doit s’assurer qu’elles favorisent le développement des marchés publics autant que des sources privées de capitaux.