Passionné du travail d'équipe
Martin Laprise

«Lorsque j’ai été approché par la TD, une restructuration visant à amener l’ensemble des acteurs sous un même chapeau, au niveau local, était prévue et c’est exactement le challenge qui est venu me chercher», dit-il.

Ce défi, Stéphan Bourbonnais le résume au fait de bâtir une équipe. «La notion d’équipe, ça fait partie de tout ce que j’ai réalisé dans ma carrière. Quand je regarde mon cheminement, je m’aperçois que le concept d’équipe, c’est le dénominateur commun. J’ai besoin de ça, inspirer les gens et les rassembler autour d’une vision.»

Il supervise aujourd’hui tous les conseillers en placement, les gestionnaires de portefeuille, les banquiers privés et l’équipe de planification du patrimoine pour les familles fortunées au Québec et en Atlantique.

Stéphan Bourbonnais est d’avis que ce genre de consolidation pourrait faire école au sein de l’industrie dans les prochaines années : «Cette façon de faire attire effectivement la clientèle. On le constate dans l’exécution des dossiers avec nos clients, ça a du sens pour eux. Les clients voient un logo, une offre, et quand ils s’assoient devant nous, on est une équipe et on travaille ensemble. Lors d’une deuxième rencontre avec quelqu’un de l’organisation, les clients n’ont pas besoin de se présenter et de raconter leur histoire à nouveau.»

Les résultats sont significatifs. L’actif sous gestion des services privés au Québec a progressé de 21 % en un an et de 98 % en cinq ans pour passer de 5,3 G$ à 10,51 G$ à la fin de 2016. «C’est le double de la progression enregistrée au niveau national», affirme Stéphan Bourbonnais. En juin 2017, il évalue cet actif à environ 11,5 G$.

La réorganisation se révèle aussi une occasion extraordinaire d’attirer du talent, analyse Stéphan Bourbonnais. «Mon objectif, lorsque j’ai débuté, était de doubler le nombre de personnes, et jusqu’ici la croissance est de l’ordre de 15 à 20 % par année. L’an passé, nous avons recruté 60 personnes.» Quant au nombre de conseillers affectés aux services privés, il a crû de 4 % en un an et de 32,5 % en cinq ans, progressant de 77 à 102 personnes.

Pour Stéphan Bourbonnais, qui compte plus de 20 années d’expérience dans le secteur financier, dont près de 13 à la Banque Nationale, ce succès apporte une grande satisfaction.

«Tout en passant d’une organisation dominante dans son marché [comme la Banque Nationale] à une autre qui est établie à Toronto, avec une approche un peu plus anglophone, j’ai été capable d’appliquer ma recette, et elle fonctionne», témoigne-t-il.

Sa «recette», Stéphan Bourbonnais a eu le loisir de l’affiner lors de son passage à la Banque Nationale, mais elle a surtout contribué à construire l’homme qu’il est aujourd’hui.

«Quand deux options te sont offertes, prend la plus difficile, parce que c’est celle qui va te faire sortir de ta zone de confort, t’amener à vivre d’autres expériences et te pousser à te dépasser, explique-t-il. Je travaille dans un domaine que j’aime, je provoque l’action, et quand des choix se présentent, que des décisions difficiles doivent être prises, cela améliore invariablement mon coffre à outils et fait de moi un meilleur gestionnaire.»

Âgé de 43 ans, Stéphan Bourbonnais tente d’ailleurs d’inculquer cette philosophie de vie à ses deux enfants, de 13 et 4 ans. «Ils sont dans une période critique en ce qui concerne l’âge et l’encadrement. J’ai une femme extraordinaire qui comprend la réalité de mon travail, mais l’une des belles réussites de ma carrière, c’est la conciliation travail-famille. Je joue avec mes enfants, je m’implique et je suis présent le plus possible.»

Provoquer l’action

Stéphan Bourbonnais ne se destinait pas à travailler dans le secteur financier. Ce natif de Rimouski qui a passé son adolescence à Québec visait plutôt à rejoindre l’entreprise familiale, spécialisée en consultation pour les programmes d’amélioration continue, «et à vivre un jour la passation de l’entreprise».

Servi par son talent de hockeyeur, Stéphan Bourbonnais est d’abord allé étudier au sud de la frontière. «Je ne parlais pas anglais à l’époque, alors le hockey m’a permis de faire mes études. Bien que je ne voyais pas de débouché professionnel du côté du hockey, mon talent me permettait d’essayer de vivre des expériences différentes de celles de la plupart des autres jeunes, et je l’ai fait.»

Bachelier en commerce international de la State University of New York at Plattsburgh (SUNY), dans l’État de New York, Stéphan Bourbonnais a rallié l’entreprise familiale dès sa sortie de l’université. Cela lui a valu une authentique remise en question, un an plus tard, lorsque son père a évalué sa performance. «Ce fut le plus beau cadeau qu’on puisse imaginer. La personne qu’il décrivait, qu’il définissait dans son évaluation, j’ai tout de suite réalisé que ce n’était pas moi et j’ai remis ma démission sur-le-champ.»

Recruté par une filiale d’AXA assurances, Stéphan Bourbonnais a fait ses premières armes en vendant des assurances de porte en porte. «Ce fut un coup de foudre et depuis, je n’ai plus voulu quitter le secteur.»

C’est là qu’il a appris à respecter et apprécier le travail des gens du secteur des ventes, dit-il. «Des fois, tout allait vraiment bien, mais d’autres fois, je me rappelle être parfois resté assis de trois à quatre heures devant une porte en me disant qu’il faudrait bien que j’aille cogner, mais sans savoir comment j’arriverais à le faire.»

Stéphan Bourbonnais a surtout découvert au cours de cette période à quel point il aimait la vente. «Quand je suis arrivé, j’ai travaillé avec une personne qui avait été formée par Xerox à la méthode SPIN et c’est vraiment elle qui m’a donné une structure en matière de ventes.» Cette façon de faire vise, en quatre étapes, à qualifier les besoins et les attentes du client potentiel, puis à susciter son désir d’achat.

Stéphan Bourbonnais a fini par prendre en charge le programme de formation pour les nouveaux représentants et les directeurs, avant de devenir directeur régional pour cette filiale d’AXA. Mais au bout de trois ans, l’investissement pique sa curiosité. Il quitte alors son emploi afin de faire un MBA à HEC Montréal, «pour chercher d’autres outils sur le plan managérial, mais aussi pour me donner la chance de me repositionner dans le marché du travail».

«Le premier CV, la première entrevue, et ça a fonctionné avec la Banque Nationale», évoque Stéphan Bourbonnais, qui est engagé en octobre 2000.

Il se trouve d’abord impliqué pendant trois ans dans le programme de Gestion des meilleures pratiques d’affaires (GMPA). D’autres responsabilités lui sont ensuite confiées. Il occupe notamment le poste de vice-président national des ventes, Gestion Privée 1859, de 2008 à 2013.

«Le programme GMPA a été un milestone, une étape marquante pour notre firme, qui l’a amenée vers une approche plus transactionnelle, axée sur la gestion de portefeuille et reposant sur un travail en équipe», témoigne Richard Lupien, gestionnaire de portefeuille et premier vice-président de la Financière Banque Nationale, à qui Stéphan Bourbonnais se rapportait au départ.

Stéphan Bourbonnais a été au coeur de ce projet au moment de le mettre en place, mais surtout lorsqu’il a fallu convaincre les troupes de ses bienfaits, dit Richard Lupien. «Pour notre firme, 1859 a été un tournant en matière de créneau de clientèle. Le groupe de GMPA a eu à « coacher », structurer et mettre en place les programmes pour 1859, et c’est là que le pont s’est fait pour Stéphan. On voyait en lui un talent de leader, qui avait aussi une bonne capacité d’analyse.»

Stéphan Bourbonnais, pour sa part, se considère comme «chanceux» d’avoir toujours été impliqué dans des projets porteurs. «La bulle technologique venait d’exploser, l’industrie était en transformation, et les conseillers cherchaient à se réinventer.»

Miser sur le client

Ce besoin de se réinventer dans une industrie en constante évolution est plus que jamais d’actualité, estime Stéphan Bourbonnais. Il constate que toutes les organisations veulent se positionner pour pouvoir capter le mouvement de liquidité qu’amènent les baby-boomers, un défi accentué par l’arrivée constamment plus importante de nouveaux acteurs moins traditionnels.

Il compte toutefois sur le partenariat développé avec les différentes lignes d’affaires au sein de la TD, de même que sur la maîtrise de la finance comportementale, pour solidifier et faire croître la relation avec les clients. «Ces gens veulent avoir une relation de confiance et simplifier leurs choses. Il faut donc être en mesure de répondre à ces besoins. Une approche holistique, pas juste en matière d’investissements, devient alors très stratégique.»

L’aspect numérique, un autre défi de l’industrie que met en évidence Stéphan Bourbonnais, a justement été abordé à la TD de manière à «répondre plus rapidement et plus efficacement aux besoins des clients».

Stéphan Bourbonnais cite en exemple le recours à des algorithmes facilitant la planification financière, mais confirme aussi le récent lancement d’une application technologique vouée à la finance comportementale. Elle permet aux conseillers d’effectuer en 30 minutes le profil d’investisseur de leurs clients, «afin de les amener à mieux gérer leurs attentes».

Interrogé sur la diffusion en mars dernier d’un reportage de la CBC citant d’anciens employés de la TD qui affirmaient avoir enfreint la loi dans le but d’atteindre des objectifs de vente et de conserver leur emploi, Stéphan Bourbonnais ne cache pas que ce fut «un choc pour tout le monde».

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) a indiqué son intention d’examiner les pratiques commerciales des institutions financières, dont celles de la Banque TD. Stéphan Bourbonnais, pour sa part, est d’avis que de telles pratiques ne font pas partie de la culture d’entreprise.

«Le client doit être au centre de notre offre de service et nous devons être à l’écoute de ses besoins. Nous prenons cela au sérieux. Nous allons regarder ce qui a été fait, et s’il y a effectivement de mauvaises pratiques, nous allons agir en conséquence, mais ce n’est pas quelque chose que je vois ou que je vis au quotidien.»