«Nous avons un objectif de croissance du bénéfice par action de 7% à 10% à moyen terme, répond-il. Nous sommes à l’aise avec ce chiffre. À court terme, il peut toujours y avoir un choc qui fait en sorte que l’objectif n’est pas atteignable, mais pour une courte période.»

Pourtant, les nuages semblent s’accumuler au-dessus des banques canadiennes. La baisse des prix du pétrole soulève des questions sur les prêts hypothécaires aux entreprises de ce secteur. La capacité d’accroître le portefeuille de prêt est compromise par l’endettement record des Canadiens et par l’appréciation de l’immobilier résidentiel. Les faibles taux d’intérêt exercent également une pression sur les marges. À ce cocktail s’ajoutent les perturbations liées à l’essor des technologies financières qui concurrencent les activités bancaires traditionnelles.

Malgré les risques qui pointent, les pessimistes ont été démentis jusqu’à présent, constate M. Masrani. Lui-même affirme avoir été trop pessimiste par le passé. «L’an dernier, j’ai mentionné que nous aurions de la difficulté à atteindre nos objectifs de croissance, mais nous l’avons fait», raconte-t-il. «J’aimerais être toujours exact lorsque je fais des prévisions, mais je me trompe parfois», poursuit-il, amusé.

Le choc pétrolier

Le banquier a souligné que la Banque TD était relativement moins exposée au pétrole que ses concurrentes. Seulement 1% du portefeuille de prêt est lié à ce secteur. Même s’il se dit «inquiet» par les impacts indirects, il croit que les contrecoups sont gérables. Il note que la banque est relativement peu présente dans les régions directement touchées par les difficultés de l’industrie pétrolière. Parallèlement, la faiblesse du huard représente une occasion pour les économies de l’Ontario et du Québec où la TD est présente.

Dan Werner, de Morningstar, croit, lui aussi, que l’exposition géographique de la TD joue en sa faveur tant à l’intérieur du Canada que pour ses activités aux États-Unis (plus de 25% du bénéfice net). «La TD est l’une des banques canadiennes les moins exposées au secteur énergétique, écrit-il dans une note. Nous croyons que l’impact d’une détérioration du crédit lié au prix de l’énergie est limité.»

Cette particularité fait en sorte que la Banque TD demeure la favorite des analystes interrogés par Bloomberg. Ils sont 61% à émettre une recommandation d’achat. La Scotia suit avec 42%. Les quatre autres grandes banques canadiennes (RBC, BMO, CIBC et la Banque Nationale) n’obtiennent la faveur que d’entre 21% et 33% des analystes.

Les nouveaux actionnaires doivent toutefois payer le prix pour cet atout puisque la TD est mieux évaluée que ses pairs, note Kevin Choquette, de Credit Suisse. L’analyste émet une recommandation «conserver».

Technologies financières

M. Masrani s’est fait rassurant au sujet de la concurrence des technologies financières. Certains observateurs craignent que les nouvelles entreprises technologiques ébranlent les fondements de l’industrie.

Anthony Jenkins, l’ancien pdg de Barclay’s (la plus grande banque britannique), a joint sa voix aux inquiets. Les technologies financières pourraient perturber l’industrie bancaire de la même manière qu’Uber a chamboulé l’industrie du taxi, a-t-il mis en garde lors d’une conférence prononcée en novembre. Le nombre d’employés des banques pourrait fondre de 50% et leurs bénéfices pourraient reculer de 60%.

Un rapport de la Citigroup publié hier évoque des licenciements de près de 1,7 million d’emplois dans le secteur bancaire européen et américain, toujours en raison de la concurrence des technologies financières. Cela représenterait plus de 30% des professionnels qui y oeuvrent.

M. Masrani laisse entendre que les craintes sont exagérées. Il demande tout de même au gouvernement de soumettre les entreprises de technologies financières aux mêmes règles que les grandes institutions. «Je crois qu’il serait opportun que les décideurs envisagent de mettre en place une réglementation pour assurer la sécurité des renseignements sur les clients et l’intégrité du système financier. Les consommateurs doivent bénéficier de la même tranquillité d’esprit, quelle que soit l’entreprise avec laquelle ils font affaire.»