Dans le cadre de cette restructuration, Desjardins Holding financier (DHF) a transféré à Desjardins Société financière inc. (DSF inc.), une société de portefeuille, la totalité des actions ordinaires qu’elle détenait dans ses sept filiales. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a autorisé ce transfert d’actions le 30 juin.

Les filiales concernées sont Desjardins Groupe d’assurances générales, Desjardins Sécurité financière, Western Financial Group, Western Financial Insurance Company, Western Life Insurance Company, Desjardins Gestion internationale d’actifs, ainsi que Desjardins Société de placement.

Ce sont les limites imposées par la structure de coopérative pour acquérir du capital en vue d’une acquisition qui ont mené à la création de la société de portefeuille DSF inc.

«La façon la plus simple et la moins coûteuse [d’aller chercher du capital pour Desjardins] est de réinvestir une partie de nos excédents dans notre base de capital. Il est aussi possible d’émettre des parts de capital, comme on le fait actuellement avec les parts de capital de la Fédération, mais il y a une limite aux parts que l’on peut émettre», explique André Chapleau.

L’article 473 de la Loi sur les coopératives de services financiers stipule qu’une coopérative ne peut acquérir, seule ou conjointement avec une caisse ou une fédération de son réseau plus de 30 % de l’avoir ou des droits de vote afférents aux actions d’une personne morale, dont le siège social est situé à l’extérieur du Québec. Le Mouvement Desjardins était ainsi limité dans ses manoeuvres pour acquérir des sociétés hors Québec.

En créant DSF inc., la coopérative québécoise respecte les termes d’un autre article important de la loi, l’article 478, et peut ainsi assujettir la société de portefeuille aux exigences relatives au capital, à la liquidité et aux pratiques de gestion d’une société de portefeuille.

En donnant accès à de nouvelles sources de capital, la nouvelle structure permettra à Desjardins de financer des acquisitions d’importance afin d’assurer sa croissance.

«De nos jours, il faut beaucoup de capital pour faire une acquisition. Nous sommes limités par notre incapacité d’émettre des actions et par le fait que nous devons maintenir une certaine base de capital, puisque nous sommes une institution financière d’importance systémique», dit-il.

Désormais, le Mouvement Desjardins pourrait collaborer avec des acteurs importants pour financer une acquisition. Chez Desjardins, on cite la Caisse de dépôt et placement du Québec comme un partenaire possible.

«Des partenaires comme le Fonds de solidarité FTQ ou autres pourraient être actionnaires de DSF inc., dont le Mouvement Desjardins garderait le contrôle et la majorité des votes, mais il y aurait d’autres investisseurs à leurs côtés pour assurer la croissance de la coopérative», explique Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques.

Risques potentiels

Ce changement structurel permet à Desjardins d’être coté en Bourse, ce qui l’exposera à des risques importants.

Les coopératives financières européennes ont déjà fait des expériences semblables et ont fait leur entrée en Bourse, ce qui les a exposées à un risque élevé.

«Le Mouvement Desjardins devra faire preuve d’une grande prudence et s’assurer que la société de portefeuille est vraiment bien contrôlée par [le Mouvement Desjardins] et par de grands partenaires institutionnels […] surtout à la lumière de l’expérience européenne», indique Michel Nadeau.

DSF inc. permettra au Mouvement Desjardins de diversifier son risque en s’associant à d’autres partenaires.

«Si Desjardins réalise des acquisitions seule et que ça tourne mal, la coopérative pourrait essuyer des pertes importantes. En partageant le risque, elle sera moins touchée», note-t-il.

Aucune acquisition en vue

Malgré la mise en place de cette nouvelle structure, Desjardins assure qu’elle n’est pas «en mode acquisition».

«Nous avons toujours dit que nous étions ouverts à toute acquisition, pourvu qu’il y ait un bon mariage de culture. Si une occasion se présente, nous aurons toutefois la structure pour agir», indique André Chapleau.

La coopérative doit en effet réussir l’intégration de State Farm, selon Michel Nadeau : «Elle doit prouver qu’elle a la capacité de générer des marges d’intérêts de vente à l’extérieur du Québec».

L’institution financière québécoise a par ailleurs souligné que l’abolition en mai dernier de l’équipe Partenariats Mouvement et Développement des affaires, dirigée par Christiane Bergevin, n’était pas liée à cette restructuration.