Prendre des risques pour contrer les taux d'intérêt bas
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L’heure est à l’évolution dans un marché mature, alors que les dix plus importants assureurs collectifs au Québec accaparent plus de 97,5 % d’un marché de 6,6 G$, d’après les données du Fraser Group.

Dans ce premier article d’une série de trois brossant le portrait des enjeux touchant l’assurance collective au Québec, voyons pourquoi le secteur de l’assurance collective au Québec estime être sous pression.

Les assureurs évoquent de multiples raisons, les principales étant le coût onéreux des nouveaux médicaments, le vieillissement de la population et les bas taux d’intérêt.

« Au Québec, le coût de l’assurance médicaments représente, en moyenne, la moitié des coûts d’un programme d’assurance collective », explique Lyne Duhaime, présidente pour le Québec de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).

Cette situation s’explique en partie par le fait que Loi sur l’assurance médicaments oblige les fournisseurs d’assurance offrant des régimes d’avantages sociaux comportant des garanties de paiement du coût de services pharmaceutiques et de médicaments, à maintenir la protection minimale prévue par le régime public.

En vertu de cette protection, tous les régimes collectifs privés doivent donc minimalement couvrir les médicaments inscrits sur la liste de médicaments, dressée par le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, et qui comporte plus de 6 000 médicaments et fournitures.

Les frais relatifs aux médicaments, couplés aux frais médicaux, correspondaient à 53 % des revenus des assureurs québécois en 2015, selon les données du Fraser Group. Une proportion qui s’accentue chaque année sur la facture totale des assurances collectives, assumée par les employeurs et les employés.

« Le coût lié au taux d’inflation [des médicaments], est de 8 à 12 %, annuellement », soutient Robert Tellier, vice-président solutions assurance et retraite collective pour la région du Québec et de l’Est de l’Ontario chez Manuvie.

À titre d’exemple, l’ACCAP a relevé qu’entre 1999 et 2014, le total des coûts relatifs aux médicaments d’ordonnance est passé de près de 750 000 $ à plus de 2,9 M$.

« Lorsque le coût du médicament augmente, ce n’est pas l’assureur qui perd de l’argent, dit la présidente de l’ACCAP-Québec. Ce sont les primes des assurés, donc des employés et des employeurs qui augmentent ».

Quant au coût associé à l’ajout de nouveaux médicaments sur la liste, il peut représenter plusieurs millions de dollars par année, accentuant d’autant la pression auprès des assureurs.

« C’est définitivement une tendance qu’on voit de plus en plus, qui est là pour rester et qui menace la pérennité des régimes d’assurance collective », dit Josée Dixon, vice-présidente, développement des affaires, assurance pour les groupes et les entreprises chez Desjardins Sécurité financière (DSF).

Contenir les coûts reliés aux médicaments est important pour les compagnies d’assurance, qui en ont fait un cheval de bataille. Cependant, certains soulignent qu’il s’agit principalement d’un choix de société.

« Lorsque j’étais encore actif, les clients me demandaient ce que les assureurs allaient faire avec le coût élevé des médicaments, je leur répondais que ce n’était pas les assureurs qui allaient prendre cette décision, c’est la société », souligne René Hamel, aujourd’hui retraité et président de SSQ de 2008 à 2015.

Transparence recherchée

Chaque année, les assureurs privés, et par extension les employeurs et les employés, payeraient environ 400 M$ de plus, comparativement au régime public selon les données de l’ACCAP. Elle a calculé que le coût d’un médicament est 17 % supérieur en moyenne dans un régime privé, un pourcentage qui atteint 37 % dans le cas de médicaments génériques.

Ce décalage s’expliquerait principalement par le fait que le coût des services pharmaceutiques est règlementé en vertu d’une entente entre les pharmaciens et l’État, alors que pour les personnes couvertes par un régime collectif privé, la couverture des médicaments et des services pharmaceutiques fournis est garantie sur la base du coût total réclamé par le pharmacien.

À l’heure actuelle, les pharmaciens n’ont pas l’obligation de décortiquer dans leurs factures les honoraires qu’ils reçoivent lors d’une transaction.

L’ACCAP mise d’ailleurs sur la transparence de ces coûts pour pallier à l’iniquité entre les deux régimes. Dans son plan annuel de priorités et orientations stratégiques, elle réclame : l’encadrement des honoraires des pharmaciens, la transparence de leurs honoraires, l’accès à des outils de gestion supplémentaire qui permettrait un meilleur contrôle des coûts ainsi que l’accès aux bénéfices des négociations entre le gouvernement et les compagnies pharmaceutiques.