Dettes : départager le vrai du faux
Jongjet Klieanthong_123RF Banque d’images

« Au Québec, il y a un malaise quand on parle de faillite, reconnaît Yan Charbonneau, fiscaliste et directeur général de AFL Groupe Financier. Les gens ne savent pas à qui se confier et attendent d’être complètement submergés avant d’aller voir un spécialiste. »

Fait surprenant, les clients ne parlent pas systématiquement d’endettement avec leur conseiller. « Même s’ils ne viennent pas nous voir pour ça, on s’en rend tout de même compte », poursuit-il.

Pour amorcer la discussion, Maud Salomon pense que la clé est d’instaurer un climat de confiance.

« Il faut faire comprendre aux clients que nous ne sommes pas là pour juger, explique la conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective rattachée à Mica Capital. C’est notre métier, nous devons savoir quelle place prend l’argent dans leur vie. »

Pour se tenir loin de l’endettement, les clients auraient tout intérêt à élaborer un budget afin d’identifier comment ils dépensent leur argent.

« C’est en réduisant les petites dépenses que l’on peut faire de grosses économies, soutient Yan Charbonneau. Dîner tous les midis à l’extérieur, ça finit par coûter cher. »

« Il y un aussi manque flagrant d’éducation financière, se désole Maud Salomon. On devrait apprendre aux clients à lire et à comprendre les petites lignes avant de s’engager dans une carte ou une marge de crédit. »

Bonnes, ou mauvaises dettes ?

« La meilleure façon de départager la bonne de la mauvaise dette est de savoir si ça génère de la valeur », continue Maud Salomon.

Un prêt étudiant qui permettra de décrocher un emploi, ou l’achat une voiture avec laquelle on se rendra au travail, peuvent constituer de bonnes dettes. À l’inverse, on reléguera au rang des mauvaises dettes les biens non essentiels comme une télévision ou un troisième véhicule.

La question du financement pèse aussi lourd dans la balance. « Quand on finance à long terme des dépenses courantes, on va vers un gouffre », illustre Yan Charbonneau.

Tout comme on ne financera pas un voyage dans le sud à même sa carte de crédit. « Son utilité est d’acheter un bien ou un service que l’on peut payer en 30 jours, insiste Éric Lebel, associé, syndic et conseiller en redressement financier chez Raymond Chabot Grant Thornton. On doit s’assurer de ne jamais payer d’intérêt, qui oscille entre 19 % et 29 %. »

Les clients qui remboursent difficilement leur solde pourraient quant à eux opter pour une marge de crédit, à condition de l’utiliser adéquatement. « C’est très difficile à gérer, car elle est toujours disponible, à un taux d’intérêt appréciable, rappelle Yan Charbonneau. Si l’on ne voit jamais de diminution, ça devient par contre une mauvaise dette. »

Selon lui, les principaux problèmes s’expliquent souvent par les trop nombreux paiements dont les clients peinent à s’acquitter. « Et ce n’est pas parce que l’on gagne 150 000 $ par an que l’on y arrive, continue le fiscaliste. Les médecins sont parmi ceux qui font le plus faillite. »

Le prêt personnel peut alors s’avérer une solution intéressante, s’il est assorti d’un taux d’intérêt raisonnable. « Ça pourrait par exemple me permettre d’emprunter 5 000 $ pour acheter des meubles après une séparation, raconte Éric Lebel. Je dois par contre être capable de faire des paiements mensuels pour être à zéro dans un an. »

Quant au prêt hypothécaire, on le range bien souvent dans les bonnes dettes, parfois à tort. « En général, les gens commencent par regarder les maisons, avant de faire une pré évaluation, indique Maud Salomon, qui pense que les nouvelles règles hypothécaires changeront la donne. Ce n’est pas parce que la banque m’autorise à emprunter jusqu’à 450 000 $ que c’est une bonne idée. »

Pour évaluer leur capacité à payer, elle propose à ses clients de simuler le paiement d’une hypothèque dans un compte durant quelques mois afin de mieux comprendre l’impact qu’aurait l’achat d’une propriété sur leur budget.

La conseillère estime également que le ratio d’endettement utilisé par les institutions bancaires n’est qu’un des nombreux outils disponibles pour prendre une décision éclairée.

« Si les taux sont historiquement bas, il faut tout de même s’assurer de pouvoir payer s’ils venaient à augmenter », ajoute Yan Charbonneau.

« On devrait justement profiter de ces bas taux pour rembourser notre marge de crédit », conclut Maud Salomon.