Médecins : une clientèle fortunée, mais à risque de faillite
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« Dans les faits, ça veut dire qu’ils sont à risque d’être davantage endettés, indique Philippe Beaudry, conseiller en gestion de patrimoine pour la Financière des professionnels. Les risques de faillite sont quand même assez faibles, notamment pour les spécialistes, qui ont un salaire plus élevé que celui des omnipraticiens. »

La Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) estime d’ailleurs que le niveau d’endettement des médecins serait environ quatre fois plus élevé que les professionnels du même âge dans la population générale.

« Ça prend de longues études pour être médecin, reconnaît Philippe Beaudry. Rares sont les étudiants qui travaillent en même temps. »

D’après un sondage réalisé en 2012 par l’Association médicale canadienne, 30 % des étudiants en médecine prévoyaient avoir une dette de plus de 100 000 $ à la fin de leurs études, alors que 13 % d’entre eux se voyaient endettés de plus de 160 000 $.

Très sollicités par les banques, ces futurs professionnels de la santé se voir même offrir de généreuses marges de crédit pouvant facilement atteindre 250 000 $, à des taux aussi bas que 2,7 %. «

« C’est un peu excessif, déplore Philippe Beaudry. Le problème est que, même s’ils ont un grand potentiel de rémunération, ils n’ont aucun revenu durant leurs études et s’endettent. Sans compter que certains ont un train de vie reflétant leur futur revenu et ne se privent pas. »

Yan Charbonneau pense quant à lui que la gestion de la dette est aujourd’hui indissociable de la gestion de patrimoine. « Ce n’est pas parce que l’on gagne un très bon salaire que l’on arrivera forcément à joindre les deux bouts », indique le fiscaliste et directeur général de AFL Groupe Financier.

« Les médecins étudient et travaillent tellement que la majorité possède très peu de notions financières, avance Philippe Beaudry. La situation peut devenir dangereuse s’ils sont mal accompagnés. »

Un accompagnement ciblé

Si les médecins ont en général la capacité financière de rembourser leurs dettes rapidement, ce manque de connaissances peut tout de même les entraîner sur une pente glissante.

« Nous voyons des professionnels qui, en début de pratique, doivent augmenter leur marge de crédit après avoir mal planifié leur acompte provisionnel, relate Philippe Beaudry. Il y a énormément d’éducation à faire. »

Le rôle du conseiller est aussi d’épauler son client et d’anticiper les différents risques pouvant survenir à chaque étape importante de sa vie, comme durant les années de résidence, pendant lesquelles les médecins sont rémunérés.

« Si notre marge de crédit est à 100 000 $, avec un taux d’intérêt de 2,7 %, il faudra alors prévoir de payer 2 700 $ par année pour ne pas augmenter notre dette, illustre Philippe Beaudry. Avec un salaire d’environ 45 000 $, c’est tout à fait possible. »

Il faut également parer aux pépins de santé, qui n’épargnent pas les futurs médecins. « La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), à laquelle la Financière appartient, offre des produits d’assurances permettant, par exemple en cas de dépression, de ne pas augmenter la dette », explique-t-il.

Le conseiller souligne également qu’il existe bon nombre de stratégies fiscales intéressantes et adaptées à la réalité de chacun, dont l’incorporation.

« En début de pratique, nous sommes plus en mode remboursement qu’épargne, explique Mathieu Huot, fiscaliste et planificateur financier à la Financière des professionnels. L’incorporation n’est pas forcément une stratégie avantageuse pour tout le monde, mais on peut s’en servir comme d’un outil pour forcer l’épargne. »

D’autres solutions peuvent également être envisagées pour économiser de l’impôt. « On pourrait par exemple rembourser notre marge de crédit avec nos placements non enregistrés, puis réemprunter la même somme à même notre marge dès le lendemain afin de les investir de nouveau dans nos placements », suggère le fiscaliste.

Résultat : les intérêts de la marge de crédit utilisés à des fins d’investissement, et non de dépenses personnelles, deviennent alors déductibles.

Des stratégies, comme les prélèvements automatiques, peuvent aussi faire une différence. « Pour la plupart des médecins, la planification de leurs finances est loin d’être une priorité », reconnaît Mathieu Huot.

Il reste cependant optimiste. « Je donne des formations sur la retraite depuis cinq ans ; la moyenne d’âge des participants se rajeunit peu à peu », conclut-il.