Quand les acquisitions remplacent la prospection
Shutterstock

Plusieurs raisons peuvent expliquer le phénomène selon Daniel Guillemette, un acquéreur de plusieurs clientèles. « Premièrement, la sollicitation est devenue plus difficile qu’auparavant. Il est dangereux de solliciter par courriel et par téléphone étant donné la Loi antipourriel et la  » Do Not Call List  » », observe le président du cabinet financier Diversico Experts-conseils.

De plus, les évolutions constatées dans l’industrie ont modifié quelque peu le portrait type du conseiller. « Il y a vingt ans, on gagnait sa clientèle, la prospection était primordiale, se souvient Robert Frances, président du Groupe Financier Peak. Les purs vendeurs ont fini par vendre à cause de la conformité pour laisser la place aux conseillers. Maintenant c’est le conseil qui importe.»

« Les conseillers n’ont pas nécessairement la même facilité à développer des relations d’affaires dans les évènements mondains», constate Daniel Guillemette. Le sondage du Top 12 des cabinets multidisciplinaires en témoigne d’ailleurs puisque la sollicitation arrive au deuxième rang des irritants que rencontrent les représentants au cours de leur carrière, tout juste derrière la conformité.

Normand de Champlain, président de N.D.C. Services financiers, ne voit pas nécessairement la conformité comme un irritant plus important que la sollicitation: « La conformité au premier rang, c’est une réponse politiquement correcte que tu donnes dans les cocktails. La conformité, on apprend à vivre avec. C’est même une mine d’or quand tu es obligé d’aller voir ton nouveau client et de faire une vraie analyse de besoins. Tu risques de développer d’autres choses et tu vas vendre.»

« Notre prospection à nous, ce sont les acquisition »

Certains conseillers misent carrément sur les acquisitions pour développer leurs affaires. Normand de Champlain est le prototype même de l’acquéreur à répétition. Il finalisait, tout juste avant les Fêtes, trois nouvelles acquisitions pour porter son total en carrière à 19. « J’ai payé ma plus petite clientèle 8 000 $ et ma plus grosse 450 000 $.»

Le représentant en assurances de personnes et de courtier en épargne collective, n’y va pas quatre chemins : « Si vous me demandiez de recommencer demain matin à zéro, sans clientèle ni équipe, en misant que sur la prospection, ma réponse serait claire. C’est non. J’ai commencé il y a plus de 30 ans chez la Combined et je devais aller cogner aux portes. Quand j’ai gouté aux acquisitions et j’ai vu que l’on pouvait acquérir 200 clients d’un coup, j’ai compris l’indépendance que ça donnait.»

« Le revenu récurrent découlant des contrats en vigueur peut permettre d’acquitter tous les couts fixes du cabinet, ce qui procure une grande liberté au conseiller. », atteste Daniel Guillemette.
Normand de Champlain aime d’ailleurs comparer l’évolution actuelle de l’industrie des services financiers à celle de l’agriculture. « Mon père dans le temps était un gros producteur laitier avec ses 50 vaches. Aujourd’hui, si vous tentiez de lancer une ferme laitière vous n’y arriveriez pas. Vous ne pourriez pas mettre la main sur les terres ou les quotas, c’est trop gros. C’est la même chose dans notre industrie.»

L’acquéreur en série croit qu’avec le renforcement de la conformité, il n’y a plus de place pour les petits indépendants. Les petits devront selon lui se joindre à une banque ou, un grand assureur, et ne pourront pas demeurer indépendant.

Mais Normand de Champlain prévient que le désir de croître pour croître ne suffit pas. « Il faut avoir la passion des acquisitions, c’est-à-dire la passion client. Si on ne s’occupe pas de la clientèle achetée, elle ne sera pas rentable », met-il en garde.