Achat de clientèle: trois voies de financement
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Financement par l’acheteur

Chez les conseillers en épargne collective, le financement par l’acheteur s’avère la méthode la plus fréquemment pratiquée.

Dans ce modèle, les différents ajustements possibles au mécanisme de paiement peuvent faire toute la différence du monde. Ainsi, une façon de faire fréquente est d’acheter la clientèle du conseiller vendeur pour un multiple qui représente 2,5 à 3 fois les revenus d’une année.

L’acheteur tentera alors d’étaler les paiements sur deux, trois ou cinq années, et pourra retenir les services du vendeur pour deux ou trois de ces années. Il va également chercher à convenir d’une clause de performance par laquelle, si les revenus anticipés ne sont pas atteints, le vendeur assume en partie le manque à gagner.

Le risque de la transaction repose davantage, dans ce type de transaction, sur les épaules du vendeur, puisqu’il est le premier puni si l’acheteur ne peut pas honorer ses paiements. En contrepartie, c’est le modèle le plus avantageux pour l’acheteur.

C’est ainsi qu’a pu procéder Daniel Guillemette, président de Diversico Assurances et Investissements, dans une majorité des 22 transactions d’achat qu’il a initiées au cours de sa carrière. Mais ce modèle n’est certainement pas sans risque pour l’acheteur non plus, quoique les risques ne sont pas nécessairement d’ordre financier, fait ressortirDaniel. Guillemette.

Ce dernier se rappelle d’un cas où, après l’achat, il a retenu les services du vendeur pendant quelques années. Mais celui-ci s’est avéré un handicap pour Diversico: il avait des manières brusques avec ses collègues et ne se gênait pas pour engueuler les adjointes et secrétaires. « Le temps peut être long si tu es pris avec un vendeur dont les valeurs et les attitudes n’ont rien en commun avec les tiennes», commente Daniel Guillemette.

Cependant, ce mode de financement n’est certainement pas sans attrait pour un vendeur, prend soin de souligner Daniel Guillemette. C’est le cas tout particulièrement pour un vendeur qui vise à se délester des tracas et de la responsabilité pesant sur tout propriétaire, mais qui veut quand même continuer d’exercer son métier. «Il y a des vendeurs qui sont restés chez nous plus de dix ans, dit Daniel Guillemette. En les achetant, je leur avais enlevé tous le poids administratif qui les embêtait et ils étaient libre de faire ce qu’ils aimaient: passer le meilleur temps possible avec leurs clients.»

Financement bancaire

Le recours au prêt bancaire pour acheter une clientèle est une pratique fréquente du côté des conseillers en sécurité financière. C’est une situation qui est appelée à changer, si on en croit un développement en cours à la Banque de Montréal, l’institution financière la plus active dans le financement d’achat de clientèle du côté du courtage d’assurance.

« La demande est forte, note Nick Mignacca, spécialiste en financement, à la BMO. On est en train de réfléchir sur la mise en place d’un programme du côté de l’épargne collective», comme il en existe un pour les représentants en assurance.

Le modèle pour les représentants d’assurance est bien rodé et certains aspects du secteur de l’assurance favorisent nettement ces représentants face aux représentants en épargne collective. Par exemple, les revenus d’un conseiller en assurance sont liés à une multitude de petits flux de commissions. Si le représentant perd un ou quelques clients, l’impact est négligeable. Pour un représentant en épargne collective, par contre, la perte d’un ou deux gros clients qui disposent de capitaux de cinq ou dix millions de dollars peut s’avérer sensible et rendre plus difficile le remboursement d’une dette.

Autre avantage d’un courtier d’assurance: il dispose le plus souvent d’un compte en fidéicommis dans une banque « où les montants en primes déposées peuvent souvent atteindre plusieurs dizaines de millions de dollars », indique Stéphane Rochon, consultant et associé chez Capital Conseil, une firme spécialisée en recherche de financement.

Toutefois, il n’est pas dit qu’un conseiller en épargne collective ne peut pas obtenir un financement bancaire. Nick Mignacca se dit tout à fait accessible à une telle requête et « je serais confortable de présenter à une banque un dossier qui est bien monté », affirme Stéphane Rochon.

C’est d’ailleurs ce que M. Rochon va faire pour Benoît Beaumont, un jeune conseiller en épargne collective dont la firme, Partenaires Alpha, qu’il détient avec une associée, est en cours de faire son premier achat de clientèle. Dans ce cas-ci, l’obtention d’un financement bancaire est tout à fait indiqué puisque le vendeur tient à être payé en un seul montant initial. « Un financement bancaire est un levier pour un acheteur », note François Gosselin, directeur de compte chez BMO.

Financement par un réseau

Par contre, Benoit Beaumont pourrait également obtenir son financement de la part du réseau SFL Placements auquel il est affilié. « Je pourrais peut-être l’obtenir d’un autre réseau, comme PEAK ou Investia, ajoute-t-il, mais ça veut dire que je déplacerais aussi mes affaires vers eux.»

Si SFL Placements finançait l’achat de clientèle de Partenaires Alpha, il ne contribuerait que 75% du prix de vente, « le reste venant de nous », indique Benoit Beaumont.

Les réseaux comptant des représentants dits « captifs », par exemple La Capitale Services conseils ou un courtier comme Financière Banque Nationale, financent également l’achat de clientèles. Ils le font d’ailleurs à des termes très favorables: taux d’intérêt avantageux, période de remboursement pouvant s’étaler jusqu’à sept ans, paiement des intérêts sur le prêt seulement pour la première et la deuxième année.

En ayant recours à SFL, Benoit Beaumont bénéficierait de certains de ces avantages. « De plus, SFL, chapeauté par Desjardins, a une connaissance approfondie de notre marché, ce qui facilite la transaction avec le vendeur et présente une certaine garantie de remboursement », ajoute-t-il.

Par contre, une transaction via SFL compte également certains inconvénients, surtout une certaine perte d’indépendance. « En ayant recours à une banque je garde plus d’indépendance, indique M. Beaumont. Si un jour j’ai un problème avec SFL, j’ai plus de latitude pour me déplacer vers un autre réseau. Quant à une situation où le financement est fait par le vendeur, il est plus facile de convenir d’un réajustement des paiements dans le cas où, par exemple, la rétention de clientèle fléchit.»